En Grande-Bretagne, les associations d’Amis des musées ont non seulement vocation à collecter des fonds afin d’enrichir les collections mais aussi, grâce au bénévolat, elles peuvent se voir confier des tâches administratives : l’accueil et l’information des visiteurs, l’organisation des visites guidées, et même, dans certains cas, le gardiennage des salles. Pour faire face à la pénurie, les musées ont créé leurs propres bureaux de développement, qui font craindre aux responsables des associations un amoindrissement de leur rôle culturel et économique.
LONDRES - En Grande-Bretagne, les sociétés d’Amis se sont imposées depuis un quart de siècle et se sont récemment regroupées sous la direction de l’Association britannique des Amis des musées. L’adhésion à une association procure à ses membres des privilèges, variables selon les associations : habituellement, l’entrée gratuite, l’invitation en avant-première aux expositions, l’envoi du journal et des programmes, ainsi que des réductions sur les publications.
On a longtemps considéré que le soutien financier d’une association d’Amis était indispensable aux grands musées pour contribuer à l’achat d’œuvres d’art, mais depuis quelques années, d’autres institutions destinées à collecter des fonds privés pallient à la diminution des subventions gouvernementales. De plus, le rôle des associations d’Amis est remis en cause par la création des bureaux de développement des musées, qui s’associent aux sociétés d’Amis pour la collecte des fonds.
Le British Museum
La société des Amis du British Museum fait figure de référence au sein des associations d’Amis. Fondée il y a vingt-six ans, elle compte dix mille sociétaires. La cotisation annuelle des membres associés est de 100 livres (environ 900 francs). Celles des membres bienfaiteurs, qui s’élèvent à 1 000 livres (environ 9 000 francs) par an, sont administrées par le bureau du directeur du musée, mais il semble probable qu’elles seront à l’avenir gérées par le nouveau bureau de développement. De par ses statuts, cette association est indépendante du musée ; elle doit assurer son autofinancement, et jouit d’un statut d’association caritative.
Ses adhérents bénéficient de l’accès libre à toutes les expositions payantes du British Museum et aux expositions mensuelles en nocturne. Des visites guidées, des conférences, et des visites des réserves des collections sont organisées à leur intention. Les fonds réunis par la société sont affectés à divers projets – achat de matériel pour la conservation, financement de projets pédagogiques, bourses de voyages pour les chercheurs –, et permettent de répondre aux diverses demandes des départements, mais la plus grande partie est destinée aux achats.
Elisabeth Foy, qui dirige la société, considère qu’au-delà de la collecte de fonds, les Amis du British Museum jouent un rôle important dans le programme des activités du musée. Les Amis publient un magazine trimestriel que reçoivent les adhérents, et les galeries de la Grèce et de Rome ont leurs propres Amis, les "Caryatides", qui regroupent des membres britanniques et étrangers.
Une équipe de soixante-quinze bénévoles, après avoir reçu une formation très complète de la part des conservateurs et des spécialistes du département de l’Éducation, organise des visites guidées des galeries orientale, mésopotamienne et Renaissance. D’autres accueillent et informent les visiteurs ou assistent les malvoyants. Ces bénévoles se voient également confier des tâches administratives, comme assister les bibliothécaires, par exemple .
La Tate Gallery
L’association des Amis de la Tate Gallery a été fondée en 1958, et a été, pendant de nombreuses années, la seule source de fonds privés du musée. Elle compte 12 500 adhérents (amis, sociétaires et membres bienfaiteurs), dont 1 000 Amis de la Tate Saint-Ives (Cornouailles), qui bénéficient des mêmes avantages que les Londoniens. Le nombre des adhérents a doublé en deux ans : 2 500 personnes ont adhéré après avoir vu l’exposition Picasso au printemps 1994.
L’adhésion comprend l’entrée libre à toutes les expositions (Londres, Liverpool et Saint-Ives) et aux nocturnes ("Late at the Tate"), des invitations avant l’ouverture des expositions, des jours de visite réservés (Previews), et l’abonnement à une revue trimestrielle créée en 1993, le Tate Magazine. Une salle, "The Friends room", accueille chaque jour 500 à 1 000 personnes, à qui l’on offre des rafraîchissements. Les sociétaires bénéficient également de l’accès libre à quelques grands musées internationaux.
Les Amis viennent de changer leur slogan "Rejoignez les Amis", pour adopter "Rejoignez la Tate". Depuis quelques années, les Amis sont représentés au sein du bureau de développement de la Tate, ce qui favorise une gestion centralisée de tous les fonds collectés afin d’encourager la création d’une "pyramide de dons", déclare Rachel Johnson, qui dirige la société.
Certains adhérents versent une cotisation plus élevée – directement gérée, comme au British Museum, par le bureau de développement de la Tate – pour devenir membre bienfaiteur de l’Art britannique ou de l’Art contemporain, et pouvoir siéger dans les sous-comités responsables des acquisitions, qui viennent d’acheter Le triptyque de Nantes, une vidéo de Bill Viola.
La Royal Academy
Créée en 1977, la société des Amis de la Royal Academy compte 60 000 membres, et contribue pour 50 % au budget de la Royal Academy. Susie Dawson, qui dirige l’association, avoue que celle-ci entretient "des relations difficiles" avec le bureau de développement du musée. Elle estime que le soutien apporté par les Amis est différent de ce que peut apporter le mécénat des entreprises, dont l’aide permet la réalisation de grands projets, tels que la restauration des salles. "Les Amis, dit-elle, veulent rendre l’art accessible à tous".
L’adhésion, en plus de l’accès libre, offre aux Amis la possibilité d’inviter une personne de leur choix. Ici, la société d’Amis joue un rôle bien plus considérable qu’au British Museum ou à la Tate. Fondée en 1786, la Royal Academy est une institution privée qui ne reçoit pas de subventions ; elle ne pourrait donc pas survivre sans cette collaboration. Les Amis viennent d’entreprendre une enquête auprès de leurs adhérents pour savoir ce qu’ils attendaient de leur association.
La National Gallery
Il existe quelques exceptions. Ainsi la National Gallery n’a pas de société d’Amis. L’entrée est en accès libre et, au cours de l’année, une à deux expositions seulement sont payantes. En conséquence, la direction estime qu’elle ne pourrait accorder de traitement de faveur aux adhérents d’une association d’Amis dont "l’ambition, selon un porte-parole, serait de faciliter l’accès aux tableaux à tous", attente à laquelle la National Gallery estime qu’elle répond déjà. Elle accepte toutefois volontiers les contributions de riches donateurs, qui sont gérées par deux groupes : le Groupe Beaumont, qui reçoit les legs des particuliers, et les Entreprises Amies de la National Gallery, qui ont acquis chez Christie’s, l’été dernier, une Crucifixion d’Eustache Lesueur.
Le Fitzwilliam Museum
Les membres de l’association des Amis du Fitzwilliam Museum de Cambridge reflètent la double appartenance, universitaire et provinciale, de celui-ci : ses deux mille adhérents appartiennent tous à la collectivité locale. Les Amis du musée accueillent les visiteurs aux expositions temporaires, vendent des catalogues, et organisent une permanence pour maintenir l’ouverture de certaines salles. Le musée ayant dû réduire le nombre des gardiens pour des raisons financières, les salles du rez-de-chaussée sont ouvertes le matin, celles de l’étage l’après-midi. Ce sont des bénévoles qui travaillent au bureau de l’association.
L’argent des cotisations sert à acquérir des œuvres pour les collections du musée. Catherine Porteous, présidente des Amis du Fitzwilliam, souligne sa crainte de voir son association d’Amis perdre de son influence dans le cadre du bureau de développement. Elle espère établir de bonnes relations de travail avec ce service, et souhaite que l’association conserve son double rôle financier et culturel.
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Des privilèges et des devoirs
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°10 du 1 janvier 1995, avec le titre suivant : Des privilèges et des devoirs