Le Conseil de l’Europe attire l’attention sur les dangers qui menacent les œuvres d’art en Croatie et lance un appel aux musées des pays membres afin qu’ils prennent en charge un musée croate.
CROATIE - À mesure que se banalisent les images et les informations concernant la guerre en Bosnie, on finit par en oublier les conséquences directes et indirectes. Un rapport du 12 avril, émanant du Conseil de l’Europe et relatif aux dommages causés aux musées et aux collections d’œuvres d’art par les combats en Bosnie, conclut à la nécessité et à l’urgence d’une intervention de la communauté internationale et recommande l’envoi d’équipements de conservation.
Les difficultés et les besoins ont été évalués par une conservatrice britannique, Barbara Roberts, qui, à la demande de l’International Council of Museums, ICOM, et dans le cadre d’une mission financée par le Getty Conservation Institute, s’est rendue dans toutes les régions non occupées de Bosnie, à l’occasion d’un voyage de trois semaines, en octobre 1993. Il demeure cependant huit musées et galeries situés en zone occupée sur lesquels le centre de documentation des musées de Zagreb ne dispose que de peu ou pas d’informations.
À la fin de 1993, 47 musées croates – soit plus de 20 % de l’ensemble des musées – avaient, à des degrés divers, subi des dommages de guerre. Mais l’évacuation d’une grande partie des collections a permis de préserver ce patrimoine de l’artillerie et de la capture par les troupes d’occupation. On déplore cependant une exception de taille : les musées de Vukovar.
Les conditions de conservation
Le principal danger qui menace les œuvres demeurées en Croatie vient désormais des conditions dans lesquelles ces œuvres sont conservées. Certaines institutions ont entassé leurs collections dans leurs propres entrepôts. L’Institut national pour la protection des monuments historiques estime qu’environ 6 000 caisses d’objets évacués sont entreposées dans 44 dépôts, dont 14 de dimensions importantes. Or deux ou trois de ces sites, tout au plus, offrent de bonnes conditions de conservation (protection contre l’humidité, les insectes et les rongeurs).
Très peu de conservateurs sont disponibles pour prendre les mesures d’urgence qui s’imposent. Les moyens financiers font défaut, et avec eux tous les équipements nécessaires : du matériel d’emballage et d’isolation, des étagères, des boîtes d’archivage et des véhicules de transport. Mme Roberts évalue à environ 50 % la proportion du patrimoine culturel mobilier croate qui nécessite des soins d’urgence. En outre, la difficulté de tenir un inventaire précis des objets entreposés implique que des pièces peuvent être volées, et il était donc indispensable de mettre en garde les musées européens contre des ventes suspectes qui pourraient se produire à l’avenir.
Parmi les œuvres qui, selon Mme Roberts, présentent des risques certains de détérioration, certaines sont d’une valeur exceptionnelle : le panneau central de la Crucifixion de Domenico Veneziano (v. 1400 - 1461) du musée du prieuré dominicain de Dubrovnik, un meuble décoré par Luca Giordano (1634 - 1705) – avec des motifs en écaille de tortue et des incrustations de nacre – du Musée de Dubrovnik, ainsi que les manuscrits et les incunables du Musée des frères minorites de Dubrovnik, que menace gravement l’humidité. Les 130 000 pièces archéologiques, ethnographiques, bibliographiques, numismatiques et décoratives du Musée de Slavonie, à Osijek, l’un des plus beaux de Croatie, sont conservées dans trois bâtiments, dont un date de 1772. Le musée a gravement souffert des violentes attaques qui ont pris Osijek pour cible, et sa survie exige que la communauté internationale intervienne immédiatement. Le rapport de Mme Roberts recommande, par conséquent, d’une part l’envoi de moyens de conservation adéquats (matériel de conditionnement et de stockage, équipements photographiques, etc.) au Museum Documentation Centre, et, d’autre part, que des musées européens prennent en charge leurs homologues croates.
À ce jour, seule l’Arch Foundation de Lugano a entrepris des actions de sauvegarde du patrimoine artistique de Croatie. Cette institution a ainsi créé un centre de restauration de tableaux à Dubrovnik, et forme sur place des restaurateurs et des spécialistes de la conservation des œuvres d’art. Enfin, il est capital que tous les intervenants sur le marché de l’art adoptent le même code de conduite et contactent l’Institut pour la protection des monuments culturels de Croatie (1) si une œuvre suspectée d’être sortie illégalement du pays venait à leur être proposée. Toute offre d’aide visant la conservation de ce patrimoine devra être adressée au Museum Conservation Centre, à Zagreb (2).
(1) Ministère de la Culture. Ilica 44, Croatia, tél. : 385.41.426/515 ; fax : 385. 41.851
(2) Mesnicka 5, tél : 385.41.426/534 ; fax : 385.41.430/851.
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Des œuvres d’art en danger
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°4 du 1 juin 1994, avec le titre suivant : Des œuvres d’art en danger