Grâce à l’appui de l’Union européenne, des travaux de restauration vont être entrepris au monastère géorgien d’Udabno. Ils devraient permettre d’éclairer les développements de l’art chrétien après la crise iconoclaste dans l’Empire byzantin, aux VIIIe et IXe siècles.
LONDRES. Il y a cent ans, le monastère d’Udabno, à Kakheti, en Géorgie, était encore habité par des moines orthodoxes. Creusé avec difficulté, au XIe siècle, dans la roche du désert de Gareja, il faisait partie d’une vingtaine de grands établissements monastiques et d’innombrables sanctuaires-grottes. Ce centre religieux avait été fondé au VIe siècle par saint David de Gareja, un moine venu de Syrie, et son disciple Lukian. Aujourd’hui, certains de ces édifices et les œuvres d’art chrétien qui les décorent vont être restaurés par des spécialistes de l’École pratique des hautes études de la Sorbonne, de la Faculté orientale de l’Université et de l’Institut des manuscrits de Tbilissi, avec le concours du Centre de restauration des monuments de l’ancienne Géorgie. Selon le directeur du projet, Antony Eastmond, de l’Université de Warwick, les fresques sont dans un “état lamentable”. Jusqu’au milieu des années quatre-vingt, l’armée soviétique avait fait du désert de Gareja une zone d’entraînement : elle utilisait certaines grottes comme cibles lors d’exercices de tir et interdisait aux chercheurs d’étudier les églises, qui ont été très endommagées. L’accès aux autres sanctuaires est maintenant barré par les énormes dépôts de terre remplissant les grottes. Les trois premières années de restauration sont financées par les 45 000 livres sterling (450 000 francs) de l’Intas – l’association internationale de coopération scientifique avec les États de l’ancienne Union Soviétique ayant accédé à l’indépendance –, organisme indépendant fondé par la Commission européenne. Le projet prévoit la restauration des fresques et le relevé de tous les signes gravés sur les murs. Ceux-ci sont de deux sortes : à côté des lettres de l’alphabet gravées par des paysans et des moines à peine lettrés, lorsqu’ils apprenaient à lire et à écrire, figurent les inscriptions des premiers pèlerins, et même un texte inscrit dans la pierre par un roi de Géorgie, au cours d’un dîner dans le réfectoire d’un monastère. L’intérêt des cycles chrétiens pour l’histoire de l’art est inestimable. Aux VIIIe et IXe siècles, la crise iconoclaste, dont l’Empire byzantin était le théâtre, tendait à interdire les icônes dans le culte. L’édit impérial de 726, prohibant les images religieuses, avait de fait considérablement réduit la production d’œuvres d’art sacré. Néanmoins, la tradition artistique byzantine avait survécu. La restauration du monastère d’Udabno permettrait d’en savoir plus sur ces survivances. L’actuelle Géorgie se trouvait alors en bordure de l’Empire et, malgré la solidité des liens religieux, politiques et culturels, la production artistique locale ne semble pas avoir été affectée. Si des monastères de la même époque existent encore dans des pays comme la Grèce, la Palestine et l’Égypte, rares sont ceux où des peintures ont survécu. C’est ce qui fait tout le prix des fresques d’Udabno.
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Dans les grottes de Géorgie
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°58 du 10 avril 1998, avec le titre suivant : Dans les grottes de Géorgie