L’artiste avait déjà un pied à Montréal, où il est né, l’autre à Québec, où il a choisi de vivre.
Il en pose un troisième aujourd’hui à Paris, où il expose ce mois-ci. Dan Brault vient en effet de rejoindre la Galerie Isabelle Gounod, rue Chapon, qui ne fait pas secret de son amour pour les peintres et la peinture : les portraits à grosse touche de Martin Bruneau, les forêts impénétrables de Michaële-Andréa Schatt, les espaces déshumanisés de Jérémy Liron et, désormais, les poèmes combinatoires du Canadien Dan Brault. « Il y a quelque chose de l’ordre de la poésie surréaliste chez lui », explique Isabelle Gounod. Ce n’est pas faux. Le peintre semble être né pour illustrer Les Chants de Maldoror : « Il est beau comme la rétractabilité des serres des oiseaux rapaces ; ou encore, comme l’incertitude des mouvements musculaires dans les plaies des parties molles de la région cervicale postérieure ; ou plutôt, comme ce piège à rats perpétuel, toujours retendu par l’animal pris, qui peut prendre seul des rongeurs indéfiniment, et fonctionner même caché sous la paille ; et surtout, comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie ! », écrit Lautréamont.
Les paysages de Dan Brault fonctionnent comme des pièges à regard où, si parapluie et machine à coudre ne s’y sont pas encore rencontrés, se croisent déjà un corbeau et un sparadrap, une pile et un drôle de lombric, une guêpe et une brique de Tetris selon l’esthétique du collage… ou, pour être exact, selon l’esthétique du sticker. Comment ne pas songer, en effet, aux cahiers d’enfants devant une toile de l’artiste, à ces cahiers remplis d’autocollants, de personnages et de formes diverses, apparemment collés sans cohérence, si ce n’est par le ciment de l’imaginaire ?
Dan Brault est un grand enfant, un garnement trapu de 40 ans qui joue aux jeux vidéo, regarde la télé et lit de la BD vautré dans un canapé ; un pur produit de la génération X, comme disent les sociologues, les deux pieds rivés dans son époque. Mais il est aussi un peintre, « un indécrottable peintre », dit-il, qui connaît son métier et ses aînés. Si l’on peut reconnaître ici l’oiseau bleu de Blanche-Neige, comment ne pas songer là à Basquiat, Cy Twombly, Messagier, Hartung, Hockney. Sur la toile, Dan Brault tisse la sienne, terriblement déstabilisante, sans pour autant ne jamais nous faire perdre nos repères. L’œil y pénètre comme dans une forêt d’indices. S’agit-il d’un rébus ? Peut-être, mais alors à la manière de Télémaque : une poésie visuelle jubilatoire sans queue ni tête. « La peinture de Dan est incongrue au premier abord, explique Isabelle Gounod. Elle a l’air légère, il y a quelque chose de pétillant en elle, mais… » Mais, en effet, il y a cet humour, ce décalage qui, à la manière d’un Glen Baxter, fait que ce qui est grave ne l’est jamais totalement. Et inversement.
Si la peinture de l’artiste n’est pas comme les autres, c’est probablement qu’elle est faite à l’image de l’homme, libre, sincère et intransigeante. « Dan est un être décalé », raconte sa galeriste, un personnage haut en couleur, curieux et disponible qui, entre deux tableaux, a besoin d’aller se ressourcer dans les grandes forêts québécoises. Ce sont elles, autant que les paysages de Zelda, qui plantent le décor de ses histoires. D’ailleurs, à mieux y regarder, le petit oiseau bleu tendant son aile est peut-être moins l’ami de Blanche-Neige que celui du peintre.
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Dan Brault
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°729 du 1 décembre 2019, avec le titre suivant : Dan Brault