Collection

Comprendre le récolement

Par Catherine Gimonnet · Le Journal des Arts

Le 7 janvier 2021 - 758 mots

Au-delà de l’inventaire, le récolement s’avère indispensable, en particulier pour les objets mis en dépôt, souvent depuis des décennies, par les grands opérateurs nationaux.

1. Qu’est-ce que récoler ?

Du latin « recolere » qui signifie passer en revue, le récolement est l’opération qui consiste à vérifier, sur pièce et sur place, la localisation et l’état de conservation des œuvres figurant à l’inventaire d’une collection. À la suite d’un rapport alarmant de la Cour des comptes en 1997, révélant de nombreuses disparitions, le récolement est devenu systématique. Sa supervision a été confiée à la Commission de récolement des dépôts d’œuvres d’art (CRDOA), dont la mission a été pérennisée en 2007. Elle coordonne le récolement des œuvres appartenant à l’État et mises en dépôt dans les musées ou les administrations depuis la fin du XIXe siècle. Les principaux « déposants » sont les trente-cinq musées de France, le Centre national des arts plastiques (Cnap), le Mobilier national, la Manufacture de Sèvres et le Centre des monuments nationaux.

2. Fréquence du récolement

Les obligations diffèrent selon les déposants : 5 ans pour le Mobilier national, 10 ans pour le Cnap et les Musées nationaux. Pour ces derniers, le second récolement a débuté le 1er janvier 2016 et prendra fin en 2025. Dans son dernier rapport, la CRDOA s’inquiète de son avancement : « Fin 2019, soit 4 ans après le début du second récolement décennal, force était de constater que moins de 8 % du second récolement avaient été menés à bien. » La première campagne de récolement ayant abouti à 92 %, la CRDOA reste néanmoins confiante. La présence d’ensembles archéologiques volumineux, comme, par exemple, les 28 000 items du Trésor d’Eauze, expliquent une progression parfois très lente. Il en va de même pour le Cnap, dont les 58 000 dépôts sont dispersés partout en France et à l’étranger.

3. Qui doit récoler ?

C’est au déposant d’organiser des campagnes de récolement chez chacun de ses dépositaires. Une logistique souvent complexe. Le Musée d’Orsay a actuellement 5 670 œuvres déposées dans 440 lieux différents. Pour le Louvre, qui a plus de 31 000 œuvres en dépôt, les récolements 2019 ont été effectués dans 79 villes en France et à l’étranger. Quant à la Manufacture de Sèvres, plus gros déposant, 91 % des biens récolés l’ont été à l’étranger dans le réseau diplomatique. Face à l’éclatement des sites et aux difficultés de programmation, la CRDOA préconise d’ailleurs de mutualiser les missions entre déposants ou de faire intervenir en région le conservateur des antiquités et objets d’art. En ultime recours, il peut être piloté à distance avec l’aide du déposant.

4. Les suites à donner aux rapports de récolement

Un rapport de récolement est considéré comme définitif lorsque le déposant statue sur les objets non localisés. Plusieurs situations peuvent se présenter :

- En cas de destruction avérée, le bien est supprimé de l’inventaire ;

- si la destruction n’est pas établie, mais que le dépôt est très ancien et que le déposant ne dispose d’aucune photographie pour l’identifier, le bien peut faire l’objet d’un classement. Il reste néanmoins recherché ;

- enfin, si le vol est supposé ou avéré, une plainte doit être déposée. L’œuvre est alors enregistrée dans la base de données de l’Office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC), multipliant ses chances d’être « retrouvée ». Choisir un statut peut être complexe et prendre du temps. Fin 2019, plus de 63 000 dossiers étaient toujours en attente, dont 59 000 pour la seule Manufacture de Sèvres. Un chiffre astronomique qui s’explique par la nature particulièrement fragile de ses dépôts, majoritairement antérieurs à 1940. Ainsi sur cinq décennies plus d’une tonne de porcelaine brisée a été retournée par la présidence de la République, rendant son récolement impraticable.

5. L’indemnisation du déposant

Depuis 2002, en cas de disparition d’un bien et de négligence manifeste du dépositaire, les déposants peuvent émettre un titre de perception. En bref, il s’agit de rembourser le déposant. En 2019, la Manufacture de Sèvres a ainsi fixé à 129 170 euros la somme qu’elle exigeait de l’Académie de France à Rome, pour 391 pièces de porcelaine disparues depuis les années 1970. Le Mobilier national, qui avait délibéré en 2018 une demande de 143 000 euros à l’encontre du ministère des Affaires étrangères, a en revanche révisé sa demande à la baisse après avoir retrouvé sept meubles. Au total ce sont plus de 400 000 euros qui ont été ou doivent être réclamés aux dépositaires ayant manqué à leurs obligations. Toutefois, aucune des demandes émises depuis 2009 n’a encore été honorée à ce jour.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°558 du 8 janvier 2021, avec le titre suivant : Comprendre Le récolement

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