Le musée doit se contenter d’une modernisation de sa scénographie.
France. Deux ans après l’annonce très médiatisée de la refonte de son musée, c’est en catimini, dans un rapport de la Cour des comptes, que l’on apprend que l’Institut du monde arabe va finalement se contenter de moderniser la scénographie afin d’y intégrer la donation Lemand. Cette donation, complétée par l’arrivée de Nathalie Bondil à la direction du musée, avait donné des ailes à son président Jack Lang qui souhaitait modifier de fond en comble le musée, le mettre aux normes, ouvrir le patio et rénover les espaces d’accueil. C’était et c’est toujours amplement justifié comme l’indique le rapport dans une description impitoyable et savoureuse des aménagements de 2012 (lire encadré). La faible fréquentation (autour de 100 000 visiteurs, surtout des scolaires) n’aide pas à améliorer les finances de l’IMA qui sont toujours déficitaires et doivent leur salut aux revenus de son fonds de réserve.
C’est la situation économique de l’IMA qui a sonné le glas des ambitions muséales de son président. À l’origine, le coût de l’ensemble du projet était de 27 millions d’euros. Profitant de son entregent, Jack Lang avait obtenu au forceps 6 millions d’euros d’un ministère de la Culture qui n’a surtout pas envie d’entendre parler de l’IMA. Manquent toujours 21 millions d’euros. Les magistrats constatent alors avec effarement que l’IMA est bien seul et ne peut en particulier espérer aucun subside de l’Arabie saoudite qui préfère donner 60 millions d’euros au Centre Pompidou que le tiers à un musée valorisant la culture arabe. Les riches pétromonarchies du Golfe privilégient aujourd’hui leur propre musée d’art arabe ou islamique pour attirer les touristes. Les magistrats estiment que les 6 millions d’euros sont largement suffisants pour moderniser la scénographie actuelle et transformer un musée ethnographique sans « Joconde » en musée des beaux-arts arabes grâce à la collection Lemand.
Ce n’est pas la première fois que l’IMA doit renoncer à un ambitieux projet de modernisation. En 2014, l’établissement s’était engagé dans un vaste programme d’extension avec transformation du parking en espaces de conférences et de formation et construction d’un nouveau bâtiment d’accueil sur le parvis. Mais le projet est abandonné en 2019 en raison « de questions de faisabilité pas correctement examinées ». Ce qui inspire cette cruelle remarque aux magistrats : « À force d’envisager des projets de transformation sans avoir les moyens de les réaliser, l’IMA risque de décourager son corps social et ses parties prenantes. »
D’autres travaux – ceux-ci obligatoires – commencent à se profiler : l’IMA va devoir déposer ses façades sud et nord pour installer une isolation thermique en conformité avec le décret tertiaire (loi Elan de 2018), ce qui suppose une fermeture du site. Jack Lang et Claude Mollard le « numéro 2 » de fait de l’IMA auront réussi à redynamiser une institution qui s’étiolait, ce que le rapport souligne à plusieurs reprises. Leurs successeurs auront la lourde tâche de trouver les voies et moyens pour pérenniser le site.
« Cet ensemble, déjà critiquable, a très mal vieilli »
« La présentation muséographique [de Roberto] Ostinelli tourne curieusement le dos au bâtiment de Jean Nouvel, avec des corridors privés de lumière naturelle, un usage extensif de velums occultant délibérément les transparences et les claires-voies, des chicanes aveugles empêchant le visiteur de se situer dans l’espace et ignorant le patio intérieur, tandis que les magnifiques points de vue sur Paris sont ostensiblement délaissés. Cet ensemble, dont les partis pris étaient d’emblée critiquables, a de surcroît très mal vieilli en dix ans seulement. Les vitrines, conçues pour tourner autour, ne présentent parfois des objets que d’un seul côté. Les espaces d’exposition ne disposent pratiquement pas de cimaises, ce qui se révèle un lourd handicap pour montrer des tableaux. Le parcours thématique est difficile à comprendre […]. » Rapport de la Cour des comptes
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L’IMA revoit ses ambitions
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°646 du 3 janvier 2025, avec le titre suivant : L’IMA revoit ses ambitions