L’effondrement de la Maison des gladiateurs, à Pompéi, est révélateur des dysfonctionnements de la sauvegarde du patrimoine en Italie.
POMPÉI - La Maison des gladiateurs n’est pas la seule à s’être effondrée le 6 novembre : la réputation de la commission spéciale mandatée par l’État italien en juin 2008 pour sauvegarder le site est également ruinée. Pourtant, en juillet 2010, au moment de saluer la fin des deux années de gestion du site par le commissaire Marcello Fiori, le ministre des Biens et des Affaires culturels italien, Sandro Bondi, avait qualifié sa gestion de succès retentissant. « Pompéi est enfin sauvée ! » avait-il alors déclaré. L’État italien a de plus en plus recours à ces commissions spéciales, conçues pour faire face à des catastrophes, tels des tremblements de terre, pour contourner la rigidité et la complexité du système légal italien. Avant la nomination de Marcello Fiori, le site de Pompéi était géré par le surintendant de Naples, lui-même placé sous la tutelle du ministère de la Culture. Si la surintendance est restée en place, cette commission spéciale a disposé de pouvoirs de décision et de financements (79 millions d’euros au total).
D’après les ingénieurs du site, la Maison des gladiateurs s’est effondrée après que des pluies diluviennes ont fragilisé le sol, provoquant la chute d’une lourde toiture en béton armé construite en 1946 pour protéger la structure. L’indignation qui s’en est suivie, relayée par les médias internationaux, a braqué les projecteurs sur la mauvaise gestion du lieu. En Italie, les membres de l’opposition ont même appelé Sandro Bondi à la démission, accusant la commission d’être à l’origine d’une succession de mauvaises décisions. Ses détracteurs ont accusé Marcello Fiori de privilégier les initiatives touristiques (construction d’un parc à vélos, de toilettes et d’un nouveau restaurant ; restauration controversée du Grand théâtre et présentations multimédias), au lieu de se concentrer sur des tâches plus essentielles de préservation.
Marcello Fiori a défendu son bilan, arguant que ces améliorations étaient nécessaires et qu’il avait dépensé 65 millions d’euros, soit plus de 80 % de son budget, pour la conservation. Ces chiffres sont contestés par Gianfranco Cerasoli, responsable des biens culturels de l’UIL (Confédération italienne du travail). Il soutient qu’il s’agirait plutôt de 50 % et que le reste a été gaspillé pour des projets multimédias dernier cri. La Cour des comptes italienne examine actuellement la gestion du site. D’ores et déjà, elle a ouvertement désapprouvé le système des commissions spéciales, suggérant que la nomination de Marcello Fiori par le gouvernement pourrait être « illégale ».
Effondrements en chaîne
L’effondrement de la Maison des gladiateurs, mais aussi celui, quelques jours plus tard, de trois murs dont un protégeait la Maison du moraliste, a levé le voile sur d’autres problèmes de gestion du site. La commission spéciale aurait fragilisé le rôle du surintendant de Naples et de Pompéi – trois personnes ont démissionné de ce poste dans l’année écoulée. L’actuelle surintendante, Jeannette Papadopoulos, également directrice générale de l’archéologie au ministère de la Culture, a accepté le poste en octobre, mais seulement par mesure d’urgence et à titre temporaire, appelée par ce qu’elle nomme « le sens du devoir ».
En novembre, Jeannette Papadopoulos a fait partie des dix-sept surintendants en archéologie à travers le pays qui ont signé une lettre ouverte à Sandro Bondi, après que celui-ci a mis l’état calamiteux des sites archéologiques italiens sur le compte de « l’incompétence en matière de gestion des surintendants ». Le gouvernement italien caresse désormais l’idée de transférer la gestion de Pompéi à une nouvelle fondation, dont le conseil d’administration inclurait des représentants d’institutions publiques et privées. Une commission spéciale, dirigée par des responsables du ministère de la Culture (Mario Resca, Antonella Recchia, Enrico Bellezza et, surprise, Marcello Fiori) et mandatée par ce dernier, devait rendre ses conclusions à la fin 2010. En attendant, l’Unesco a envoyé une délégation spéciale à Pompéi, et Mounir Bouchenaki, directeur général de l’Iccrom (Centre international d’études pour la conservation et la restauration des biens culturels à l’Unesco), a déclaré que le gouvernement italien devrait mettre en place une unité permanente, spécialisée dans la gestion du risque, pour prévenir tout nouvel effondrement.
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Château de cartes à l’italienne
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°338 du 7 janvier 2011, avec le titre suivant : Château de cartes à l’italienne