Chasse aux trésors

 MARSEILLE, NÎMES, CLERMONT-FERRAND, NICE - Les récentes découvertes de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) sur le territoire français ont permis des avancées significatives dans notre connaissance du passé. À Marseille d’abord, où les archéologues ont fait surgir des profondeurs de la ville (jusqu’à 6 mètres) des vestiges vieux de 8 000 ans. L’antique Massalia, qui aurait été construite par les Phocéens il y a 2 600 ans, a donc pris un sacré coup de vieux avec ces traces d’un village néolithique mis au jour sur la colline Saint-Charles : murs en terre crue, trous de piquets, outils de silex et coquillages. Selon le président de l’Inrap, Jean-Paul Demoule, il s’agit là d’une véritable surprise et d’une première puisque, jusqu’à présent, aucun mur de cette époque n’avait été trouvé en France. Ces découvertes bouleversent notre perception des premiers paysans méridionaux auxquels sont reconnues aujourd’hui les qualités d’aménageurs et de bâtisseurs. Le chantier, placé sous la responsabilité scientifique de l’Atelier du patrimoine de la Ville de Marseille, doit se poursuivre jusqu’en mai. Des études complémentaires seront ensuite réalisées en laboratoires.

Sandale finement décorée
À Nîmes (Gard), la construction d’un vaste parking souterrain, sur le site de l’avenue Jean-Jaurès, a offert à l’Inrap l’occasion exceptionnelle de fouiller en plein centre-ville un site d’une superficie de
6 000 m2 et 400 mètres de long. Cette opération archéologique, la plus importante jamais réalisée pour la municipalité, permet de remonter 500 ans avant notre ère, à l’époque de l’implantation d’une agglomération sur les pentes du mont Cavalier. Les découvertes mettent en exergue les grandes étapes de l’urbanisation de Nîmes, entre la fin du IIe siècle avant J.-C. et le IIIe siècle après (date de son abandon), ainsi que le processus de romanisation puisque, dès 120 avant J.-C., cette partie de la Gaule transalpine fut annexée par Rome. Concrètement, les premiers résultats ont révélé une série de rues (certaines étant dallées) organisant le quartier antique et dont les orientations divergent avec le plan orthogonal classique de la ville romaine. Parfois bordées de portiques et de fontaines, elles encadrent des îlots d’habitations aux décors soignés, avec des traces de peintures murales et de mosaïques. Une statue en calcaire représentant une divinité masculine, probablement Neptune, a également été découverte dans un ancien bassin. Mais le plus bel élément de statuaire mis au jour dernièrement par les équipes de l’Inrap se trouve à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), sur le chantier préalable à l’édification de la Bibliothèque communautaire et interuniversitaire de la ville. Ce pied droit, long de 60 centimètres et chaussé d’une sandale finement décorée, provenant d’une statue en alliage cuivreux d’environ 4 mètres de hauteur, pourrait être attribué au célèbre sculpteur Zénodore (Ier siècle avant J.-C. ). Les fouilles à venir devraient révéler d’autres éléments de la statue. Signalons enfin les fouilles en cours à Nice, dans le cadre de la construction du tramway, où, grâce à un dispositif particulier, les archéologues pourront continuer de travailler sous les voies pendant que celui-ci sera en service. Les opérations devraient permettre de recueillir des données couvrant près de sept cents ans d’histoire niçoise…
Responsables de 2 500 chantiers par an (sur toute la France et dans les DOM-TOM), les archéologues de l’Inrap ont récemment manifesté à Paris pour réclamer davantage de moyens, l’augmentation de leurs effectifs (l’Inrap compte aujourd’hui 1 800 employés), et la pérennisation des nombreux CDD en cours. La richesse des vestiges exhumés récemment devrait achever de convaincre les plus réticents.