Bronzier d’art, grand couturier de la lumière

Bernard Tisserant s’est spécialisé dans le luminaire haut de gamme

Le Journal des Arts

Le 1 octobre 1996 - 725 mots

Héritier de l’atelier de son père à Paris, Bernard Tisserant est bronzier d’art depuis plus de quarante ans. Aujourd’hui en semi-retraite, il compte sur son fils pour développer l’entreprise et trouver de nouveaux clients à l’étranger.

PARIS - "En principe, je suis à la retraite, mais je continue à venir travailler régulièrement dans l’entreprise. Je me charge en particulier des relations avec les institutions". Bernard Tisserant, 65 ans, a du mal à se détacher de son métier de bronzier d’art, dans lequel il baigne depuis sa tendre enfance.

Et pourtant, sa succession est assurée. Son fils, diplômé en droit, est entré dans l’entreprise il y a douze ans et s’occupe de rechercher de nouveaux clients, en particulier à l’étranger. Face à la crise économique, Bernard Tisserant s’est allié avec son principal concurrent, Art et Style, pour former une seule entreprise il y a deux ans. Tisserant-Art et Style, qui emploie actuellement une quinzaine de personnes, fabrique surtout des luminaires mais aussi des tables basses, des guéridons. Afin de réduire les coûts, un seul atelier a été conservé dans le XIe arrondissement de Paris.

"Quand j’étais gamin, je voyais le soir mon père à la maison dessiner des objets pour des clients, et le samedi et le dimanche, nous allions au Louvre et à Versailles", raconte Bernard Tisserant. Il se souvient de la période d’après-guerre, quand les Français enrichis pendant l’Occu­pation sont devenus de nouveaux clients. "Confronté à la pénurie de métal, mon père a créé un lustre en récupérant des pédales de mise à feu de mitrailleuses, fabriquées par mon grand-père dans son atelier de mécanique situé dans l’Eure.", se rappelle-t-il un peu ému. Sa vocation pour le métier de bronzier n’est pas venue tout de suite. Après avoir arrêté ses études en classe de seconde, il commence à travailler comme ferronnier chez un ami de son père. Mais ce métier plus athlétique – le ferronnier tord la matière – et plus salissant que celui de bronzier le laisse sur sa faim. Il se décide alors à apprendre le métier paternel pendant trois ans, à l’école Boulle. Depuis, il n’a cessé de travailler en famille, hier avec son père, aujourd’hui avec son fils.


Dorure ou patine
Dans l’atelier, Thierry, ciseleur depuis dix ans, enserre la pièce dans un étau. Avec un grattoir et des limes, il met le métal à nu. Puis, grâce à des ciselets en acier qu’il fabrique lui-même, il repousse le métal. À l’étage, le doreur surveille les pièces qui trempent dans un bain de dorure. Plus tard, quand elles seront sèches, il les brunira avec une pierre d’agate. La réalisation d’un objet en bronze passe par toute une série d’étapes, et d’abord par la réalisation d’un dessin en accord avec les souhaits du client. "Nous jouons de plus en plus un rôle de décorateur. Nous nous rendons chez les gens et nous leur donnons des conseils", explique Bernard Tisserant.

À partir d’un dessin d’exécution, un sculpteur crée un modèle en bois ou en plâtre qui sera envoyé à un fondeur. Bernard Tisserant possède une collection de plus de 400 mo­dèles. Son entreprise travaille avec des fondeurs installés dans les Vosges. L’objet est ensuite récupéré afin de passer entre les mains d’un monteur, d’un ciseleur et d’un tourneur. La dernière étape est le décor, qui peut être de la dorure ou de la patine. Le bronzier d’art fait aussi appel à d’autres corps de métiers, des électriciens par exemple.

En prenant la succession de son père, Bernard Tisserant a choisi de renforcer la qualité des objets proposés – ceux-ci valent 5 000 francs en moyenne – en développant notamment la copie d’ancien. Pour échapper aux conséquences de la crise en France, où la clientèle s’amenuise, l’entreprise s’est developpée à l’étranger. "Nous réalisons maintenant 80 % de notre chiffre d’affaires à l’exportation, dit-il. Des adaptations sont parfois nécessaires pour répondre aux goûts des clients. Nous avons modifié certaines appliques pour nos clients du Moyen-Orient. Le Coran interdit en effet la représentation de figures humaines", précise-t-il. Parmi ses clients, Bernard Tisserant compte aussi des chefs d’États africains, particulièrement friands du style Empire. Pour des Japonais, il a réalisé un lustre de quatre mètres de haut, accroché dans le hall d’entrée d’un club de golf très huppé. Tisserant-Art et Style travaille beaucoup aujourd’hui avec les États-Unis : il a ouvert récemment une boutique à Los Angeles.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°29 du 1 octobre 1996, avec le titre suivant : Bronzier d’art, grand couturier de la lumière

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