Les vestiges d’un palais étrusque ont été mis au jour après sept années de fouilles dans l’antique cité de Caere, aujourd’hui Cerveteri, située dans la province de Rome. La construction d’un temple sur son emplacement, vers 500-490 av. J.-C., témoigne de l’abandon de la monarchie au profit de la République à Rome.
CERVETERI - "Il ne s’agit pas d’une découverte spectaculaire qui s’est faite du jour au lendemain, mais de la synthèse de plusieurs d’années d’enquêtes sur le terrain, entre 1983 et 1989, suivies d’un travail de catalogage et de réflexion", déclare le professeur Mauro Cristofani, directeur de l’Institut archéologique étrusco-italique du Centre national de la recherche (CNR) et responsable des campagnes de fouilles à Caere. "Nous avions décidé d’entreprendre un recensement systématique dans ce secteur exposé aux fouilles clandestines afin de stopper le flux de superbes pièces étrusques qui continuaient d’enrichir les musées américains, japonais et européens, poursuit Mauro Cristofani. Nous savions que la cité antique s’étendait sur un plateau d’environ cent cinquante hectares, qui n’est que partiellement occupé par des habitations modernes."
Pendant trois ans, 600 m3 de sédiments accumulés entre le IXe et le Ve siècle av. J.-C. ont été excavés. La classification des données et leur identification n’ont pas été facilités par les bouleversements engendrés par des siècles de travaux agricoles et de pillages : "Le site ressemblait à un manuscrit dont on aurait arraché de nombreux feuillets, ce qui en rendait la lecture hasardeuse, explique Mauro Cristofani. À sept mètres sous terre, nous rencontrions encore des boîtes de Coca-Cola ! Et pourtant, à la fin, au-dessus d’une petite nécropole de l’âge du fer (IXe-VIIIe siècle), nous avons découvert une structure résidentielle complexe datant du VIe siècle et ressemblant à un ‘palais’ grec." L’édifice comprenait une série de salles de réception donnant sur une cour rectangulaire aux colonnes en tuf et aux dalles en terre cuite ornées de scènes de chasse de couleurs vives. Le palais était équipé d’un système élaboré de tout-à-l’égout et doté de nombreuses annexes creusées à même le tuf du plateau environnant : caves, citernes et magasins à grains.
Remplacé par un temple
"Tout ce que nous avons extrait de cet amas de débris évoque une civilisation raffinée et cosmopolite, précise Mauro Cristofani, une société où l’on aimait servir des vins étrangers aux invités – la moitié des amphores sont de facture grecque –, où l’on consommait beaucoup d’aliments riches en protéines – de la viande de bœuf et du poisson en quantité – et où l’on confiait à d’habiles sculpteurs l’ornementation architecturale."
Une inscription a fourni aux étruscologues la preuve qu’ils étaient sans doute en présence d’un palais : l’épithète de "calador", messager du roi, se trouvait gravée au fond d’une coupe en terre rouge appartenant selon toute vraisemblance à l’un des occupants de cette demeure aristocratique. Et Mauro Cristofani de conclure : "Toutes les données convergent pour indiquer que cet édifice était une résidence princière qui a subi une destruction volontaire vers 500-490 av. J.-C. pour être remplacée par un temple à trois nefs, avec un atrium à colonnade et une série de gradins en plein air destinés aux réunions publiques. Cette époque correspond à l’établissement de la République à Rome, et ce processus a dû affecter les centres les plus importants de l’Étrurie méridionale. Il est donc probable que la démolition de l’ancienne résidence royale de Caere et son remplacement par un temple – orienté, chose surprenante, vers le Nord, dans la direction attribuée aux dieux de la vengeance – ont sacralisé la disparition d’un lieu symbolique où s’exerçait autrefois le pouvoir. Cette substitution correspond à la transformation de l’ordre social, à une époque où est adopté un système de représentation plus ouvert, même s’il ne concernait encore qu’un petit nombre de personnes appartenant à une classe restreinte et privilégiée."
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Aux marches du palais
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°34 du 1 mars 1997, avec le titre suivant : Aux marches du palais