Devenu matériau patrimonial par la grâce de protections (classement ou inscription), le béton armé est soumis, comme la pierre, aux vicissitudes du temps, souvent accentuées par des défauts de mise en œuvre propres à toute technique expérimentale (lire le JdA n°81, 16 avril 1999). Le programme sur la restauration et la conservation des bétons anciens, mené par le Laboratoire de recherche des monuments historiques, a déjà permis de proposer des techniques de nettoyage aux effets spectaculaires mais respectueuses du matériau. Témoins, les tests réalisés à l’église du Saint-Esprit.
PARIS - Après des essais de nettoyage mettant en jeu des techniques diverses, les bas-reliefs ornant la façade latérale de l’église du Saint-Esprit dans le XIIe arrondissement présentent un visage pour le moins contrasté. Déclinant dans ce néoclassicisme moderne cher aux années vingt-trente les douze mois de l’année, ces sculptures, en partie dues à Carlo Sarrabezolles, sont d’un genre un peu particulier, puisqu’elles ont été sculptées ou moulées dans un matériau inattendu, le béton. Si, dans cet édifice élevé entre 1928 et 1935, Paul Tournon s’inspire explicitement de l’architecture byzantine, et de ses églises à coupoles comme Sainte-Sophie, il fait œuvre moderne par un usage massif du béton armé ; celui-ci, comme la pierre, a subi les conséquences de la pollution automobile et industrielle, mais également des altérations propres avec la corrosion des armatures métalliques. Avec d’autres bâtiments tels la Maison du Brésil, à la Cité universitaire, ou le siège de l’Unesco, l’église du Saint-Esprit a été choisie par le Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) pour mener une série de tests sur les techniques de nettoyage des bétons anciens, un programme conduit conjointement avec le Cercle des partenaires du patrimoine. Cette association loi 1901, créée en 1993 à l’initiative de la direction de l’Architecture et du Patrimoine, permet à des entreprises – aujourd’hui au nombre de six — de participer aux recherches dans leur domaine respectif, grâce à la conjonction de moyens scientifiques et financiers. Ainsi les Ciments Calcia, après le diagnostic des pathologies du béton établi au cours des trois dernières années, contribuent-ils aux essais actuels, dont l’objet est de mettre au point des techniques respectueuses des exigences propres à la conservation des monuments historiques.
Les avantages du latex
Au Saint-Esprit, sur les sculptures, huit techniques ont été testées, quatre à base d’abrasifs, deux à base d’eau (Karcher et nébulisation), une à base de compresses, et enfin le laser. Seuls ce dernier et les abrasifs les plus fins ont produit des résultats pleinement satisfaisants. Laissé brut de décoffrage à l’intérieur et partiellement orné de peintures, le béton a été obscurci par la saleté et la combustion des cierges, même si l’on n’observe pas d’encroûtements comparables à l’extérieur. Plutôt que le laser, une technique coûteuse mieux adaptée à des opérations fines sur la sculpture, un nouveau procédé a été expérimenté ici : “Les produits pelables sont une technique adaptée à des surfaces sales mais en bon état, explique Isabelle Pallot-Frossard, directrice du LRMH, elle a d’abord été développée en Belgique, où des édifices entiers ont été traités selon ce procédé.” Il s’agit en l’occurrence d’une variété de latex, appliquée sur le béton, puis détachée vingt-quatre heures après. Toutes les salissures sont alors emportées, restituant au matériau une luminosité insoupçonnée.
Les axes de la recherche future concernent au premier chef le traitement des armatures métalliques, à la fois force et faiblesse du béton armé. En effet, la corrosion, provoquée par l’infiltration de l’eau, est à l’origine de la majorité des pathologies du béton : épaufrures, écaillage, taches d’oxydes…
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Au secours du béton
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°108 du 30 juin 2000, avec le titre suivant : Au secours du béton