« En vingt ans, le ministère de la Culture s’est en quelque sorte détricoté en une espèce de structure absurde. Il faudrait lui redonner une véritable armature, un véritable sens (1). »
Et c’est Jack Lang qui le dit ! Dans le dernier numéro de la revue Le Débat, d’autres anciens responsables de la politique culturelle ministérielle ne sont pas plus tendres avec l’état de la Rue de Valois. L’ancien directeur de cabinet du ministre Jean-Jacques Aillagon, Guillaume Cerutti, rappelle un constat déjà relevé dans ces colonnes. Ce ministère est « devenu prisonnier d’une machine infernale » : les coûts de fonctionnement générés par les grands travaux successifs, l’entretien des monuments historiques, le renouvellement « quasi automatique » des subventions au spectacle vivant. Leur addition réduit la capacité d’initiative d’un nouveau ministre « à quelques pourcents » de son budget. Mais Cerutti va plus loin en considérant que la réorganisation du ministère – le regroupement des multiples services en trois méga-directions : Création artistique, Patrimoines, Médias et industries culturelles – imposée par celle du budget de l’État « a rendu ce ministère encore plus bureaucratique, a complexifié ses modes d’intervention, en banalisant son organisation, en l’éloignant du terrain ». Et l’ancien conseiller à la culture et à la communication du Premier ministre Lionel Jospin puis du président François Hollande, David Kessler, de faire son mea culpa : favorable autrefois au regroupement des directions, il reconnaît aujourd’hui que leur rassemblement « les a éloignées de leurs domaines d’action ». « À un moment, il n’est pas bon que la logique budgétaire et comptable l’emporte sur la question du sens de l’action publique. » Qui contredirait un tel avis ! Et l’ancien conseiller d’ajouter, « certes, la réforme des politiques publiques a superficiellement transformé l’organisation du ministère mais fondamentalement, ses structures, ses modes d’intervention ne sont pas adaptés aux changements très considérables du monde dans lequel nous sommes ». Si de grands établissements « proches du terrain » disposent enfin d’une personnalité juridique et d’un budget propre, les modalités d’exercice de la tutelle de l’État n’ont pas beaucoup évolué. David Kessler considère comme tout à fait « caractéristique de la bureaucratie française » que chacun de ces établissements doive signer avec l’État un contrat dit « de performance » éparpillé dans de multiples objectifs alors que deux ou trois suffiraient. Et « fixer l’objectif est légitime, intervenir dans le choix des moyens ne l’est pas ».
Cerutti comme Kessler relèvent que la mise en œuvre, en concurrence directe avec le ministère, d’un éphémère « Conseil de la création artistique », par le président Nicolas Sarkozy, était une erreur stratégique mais que « l’initiative témoignait d’un symptôme : le blocage ». Et Kessler de s’inquiéter d’un ministère qui « adopte une position réactionnaire au sens propre du terme, qui ne pense plus en termes de transformation mais de conservation ». Il y a donc fort à faire. Le chantier paraît aride, administratif. Mais il ne peut être lancé que par une vision politique. Nous sommes en période préélectorale. Un candidat va-t-il porter une vision salutaire ? Formulé par ceux-là même du sérail, le diagnostic est implacable, le changement doit être pour demain !
(1) « Que faire du ministère de la Culture ? », in Le Débat no187, nov.-déc. 2015 (éditions Gallimard).
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Que faire d’une « structure absurde »
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Abonnez-vous dès 1 €Bâtiment du ministère de la Culture au no 7 rue de Valois © Photo Mbzt - 2012 - Licence CC BY-SA 3.0
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°451 du 19 février 2016, avec le titre suivant : Que faire d’une « structure absurde »