MUSE. « Elle est devenue mon héroïne. Mon obsession. Un exemple arabe de courage physique et intellectuel. Elle est égyptienne. D’Alexandrie. Elle est très jeune », écrit le romancier Abdellah Taïa dans l’hebdomadaire marocain Tel Quel. « Elle », c’est Aliaa Magda Elmahdy, une étudiante égyptienne de 20 ans qui a posté sur son blog, le 23 octobre, un autoportrait nu aux bas et aux accessoires rouges (chaussures et nœud dans les cheveux) provocants… Pour l’écrivain, prix de Flore 2010, à qui l’image évoque les adolescentes de Balthus qui ont elles aussi « suscité de nombreuses controverses » : « Ce geste artistique restera. » Pour la jeune femme, qui se bat « pour une liberté absolue des individus » (entretien accordé à Tel Quel en décembre) : « Commencez par [cacher] tous les livres d’art et cassez les statues de nus dans les musées [avant] de me dénier le droit de m’exprimer librement. » Car son geste a, en Égypte et ailleurs, fait naître l’admiration autant qu’il a forcé la colère, allant jusqu’à déclencher envers sa personne des menaces de châtiments corporels et de mort. Geste naïf ou courageux ? Immature ou profondément lucide ? Pour sûr, un geste engagé pour la liberté de s’exprimer, de dénoncer, d’ouvrir le débat. Un geste qui nous rappelle que tout récemment un autre « provocateur », l’artiste Ai Weiwei, était accusé de diffusion pornographique par les autorités chinoises pour avoir mis en ligne une photo de lui, nu, au milieu de quatre femmes. Ai Weiwei n’assistera probablement pas au vernissage de la rétrospective de ses photographies que lui consacrera fin février le Jeu de paume à Paris, l’artiste étant interdit de sortie de Pékin…
MUSÉES. En France, nos institutions se portent bien. Dopés par des chiffres de fréquentation en hausse de 5 % en 2011, soit 27 millions de visiteurs, les musées n’en finissent pas d’ouvrir un peu partout sur le territoire. Presque pas un mois sans son nouveau musée : Bonnard, Cocteau, de la Grande Guerre… et bientôt le MuCEM, les musées des Confluences, Soulages et celui du Louvre-Lens, sans compter les chantiers des Frac dits « de deuxième génération » – pas moins de six ouvertures prévues d’ici à 2014 – que l’on transforme au passage en musées… Bilbao, où le Guggenheim a inauguré une antenne en 1997, participant ainsi à la dynamisation de l’ancienne cité industrielle, n’en finit pas de prolonger son deuxième « effet », relancé par l’apparent succès du Centre Pompidou-Metz en 2010. Avec un risque : que cet « effet Bilbao » se transforme en « effet Babel ». Car plus difficile sera la chute si l’État et les collectivités locales ne parviennent pas à financer et à faire vivre ces coûteux équipements au milieu de ceux, déjà nombreux, existants… Le 3 janvier, dans une tribune du Monde, les GRECs (Groupes d’études et de recherches sur la culture) dénonçaient cette « logique de l’offre » de l’actuelle politique culturelle avec laquelle « la priorité aux coups médiatiques se fait au détriment de politiques essentielles, comme […] le soutien aux équipements culturels de proximité ». Le 6 janvier, Le Journal des Arts révélait que le Guggenheim s’apprêtait à ouvrir un nouveau bâtiment. Fort heureusement à Helsinki, en Finlande…
AMUSÉS, certains visiteurs d’Orsay le paraissent, sur la vidéo mise en ligne sur YouTube, de voir trois jeunes femmes ôter leur manteau et improviser un défilé en tenues légères dans les salles rénovées du musée. Ce défilé sauvage, orchestré et filmé par une marque de lingerie féminine à toutes fins de créer le buzz sur la Toile, a déclenché l’ire du musée, qui n’aurait jamais pu accepter un tel scénario. Un coup de Web marketing bien ridicule à côté des dissidences Internet d’Aliaa Magda Elmahdy ou d’Ai Weiwei, mais un épisode qui démontre bel et bien que les musées sont devenus des endroits… à la mode.
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Muse. Musées. Amusés.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°643 du 1 février 2012, avec le titre suivant : Muse. Musées. Amusés.