À coups de décrets et de déclarations incendiaires, nous voyons chaque jour avec effroi s’échafauder le projet international du duo Trump-Vance pour rebâtir l’Amérique, « Make America Great Again » (MAGA), « Rendre sa grandeur à l’Amérique ».
Rien ne doit leur échapper. Même moins considérée, la culture doit prendre sa part au combat à cause de son influence sur la jeunesse. L’architecture est mobilisée, contrainte à participer au MAGA. « Make Architecture Great Again » s’accorderait bien au programme.
Car le président américain est un homme têtu. Parmi la quarantaine de décrets qu’il a signés après son investiture, l’un reprend mot pour mot celui qu’il avait pris à la fin de son premier mandat en 2020 et que son successeur, Joe Biden, avait rapidement annulé. Un texte qui instrumentalise et politise l’architecture et les architectes, oppose l’élite au peuple en bonne logorrhée populiste.« Promouvoir une belle architecture des bâtiments fédéraux en préférant le style classique », ordonne-t-il. Défendre « le patrimoine architectural régional traditionnel et classique afin d’élever et d’embellir les espaces publics et d’ennoblir les États-Unis », ajoute-t-il. Le décret devient encore plus polémique en attaquant des disciples de Le Corbusier, ou Frank O. Gehry, ou Zaha Hadid parmi d’autres sans les nommer : « L’architecture brutaliste ou déconstructiviste impressionne parfois l’élite de l’architecture, mais pas le peuple américain que ces bâtiments sont censés servir. Les bâtiments fédéraux devraient au contraire impressionner le public. »
Le promoteur immobilier des Trump Towers, gratte-ciel banals, sans créativité, l’amateur d’un luxe tape-à-l’œil comme celui affiché par sa résidence en Floride, à Mar-a-Lago, n’a jamais prouvé son attachement au néoclassicisme. Les futures constructions fédérales devront pourtant s’en inspirer. Les références deviennent le Capitole, la Maison Blanche, le bâtiment de la Cour suprême à Washington. Ces constructions des siècles passés rappellent des temps dévolus et révolus, l’Antiquité, les temples grecs ou romains. Mais pour les pères fondateurs des États-Unis, ceux-ci symbolisaient la démocratie athénienne et la République romaine. La droite américaine remet aujourd’hui cet esthétisme au premier plan pour d’autres raisons, parce que, pour elle, il exprime le beau et l’ordre, les fondamentaux et l’identité nationale. Elle veut figer la création. Elle caricature le néoclassicisme en le réduisant à un alignement de colonnes, quelques frontons, des coupoles, des ornements. Elle le simplifie aussi pour mieux exalter une gloire et un passé idéalisés, fantasmés. Le décret exige la réécriture d’un document de 1962, établi sous la présidence Kennedy, les « Principes directeurs pour l’architecture fédérale ». Le texte réfutait« tout style gouvernemental » et stipulait que « la conception doit aller de la profession d’architecte vers le gouvernement et non l’inverse ». C’est le chemin contraire qui est aujourd’hui validé.
L’Histoire nous a appris que les dictateurs ou les hommes politiques autoritaires ont toujours voulu – tenté ou réussi – imposer un esthétisme. Et que la démocratie nous enseignait qu’il fallait surtout s’en garder et qu’il valait mieux laisser œuvrer les artistes et les professionnels. Des hommes politiques aveuglés nous rappellent malheureusement le premier volet de cette leçon, en Amérique comme en Europe. En Allemagne, l’extrême droite, Alternative für Deutschland (AfD), a fait campagne pour les législatives en stigmatisant le Bauhaus, né en 1919 à Weimar et fermé en 1933 par les nazis. L’AfD accuse cette école de design et d’architecture, reconnue internationalement, d’avoir inspiré des immeubles « d’une laideur abyssale ». Le Bauhaus prônait la simplicité, la fonctionnalité, la ligne pure. Il n’encourageait pas à l’ornement.
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Make Architecture Great Again
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°650 du 28 février 2025, avec le titre suivant : Make Architecture Great Again