Le choix, presque de hasard (après le refus de la Mairie de Paris de laisser utiliser le champ de Mars en raison de la proximité de la visite du Comité international olympique) de l’esplanade devant la pyramide du Louvre comme lieu de rendez-vous post-élection présidentielle, le 7Â mai 2017, renvoie à mille dimensions très signifiantes de l’histoire de France, et de son rapport au pouvoir et à la culture.
Lieu d’exercice d’un des tout premiers pouvoirs royaux, il y a près de mille ans (dès Philippe Auguste puis Louis IX et Charles V), délaissé au XVIIe siècle par Louis XIII et surtout Louis XIV lorsque les monarques ont commencé à avoir peur du peuple et qu’ils se sont réfugiés à Versailles, le palais du Louvre, devenu dès le début de la période révolutionnaire un des plus grands musées du monde, aurait pu signifier pour toujours une histoire de France figée dans une nostalgie du passé et un repli sur son identité millénaire. Et désigner un pouvoir éloigné du peuple, pour son plus grand malheur.
La décision du président François Mitterrand, si impopulaire à l’époque, d’en chasser le ministère des Finances, superbe squatteur de ce palais, de rendre au musée tous les espaces libérés et de confier à un architecte américano-chinois le soin de repenser les circulations dans le musée, a conduit à une solution originale : la pyramide, imaginée pour rendre possible un puits de lumière dans ce qui aurait dû être un tunnel, qui permettait de créer des raccourcis dans les trajets des visiteurs entre les deux ailes du palais.
En agissant ainsi, il s’inscrivait dans la grande tradition des architectes, tels François Le Vau et Claude Perrault, qui, tout au long des siècles, l’avaient modifié, agrandi, aménagé.
Que de critiques alors, que de manœuvres d’arrière-garde pour l’empêcher et y maintenir le ministère des Finances, que de conservatisme contre la pyramide, dénoncée successivement comme l’aide, obscène, ou même satanique ! Et que d’admiration nationale et planétaire aujourd’hui… Elle est devenue une évidence, donnant à la France une image d’elle à la fois stable et changeante. Et attirant immédiatement des millions de visiteurs depuis le jour de son inauguration, le 13 juillet 1989.
C’est une leçon utile aujourd’hui, tant en politique que pour chacun d’entre nous.
Quand on a une grande idée, il faut se donner les moyens de la réaliser. Et cela passe en général par la collaboration avec d’autres pour oser davantage. Si possible avec des artistes, qui savent oser changer de perspective, regarder le problème autrement qu’avec les yeux de la raison. Oser la folie, la beauté, la simplicité. Tel est le message de ce projet.
Le Louvre, tel qu’il est aujourd’hui, dit clairement que la France regarde devant. Qu’elle accueille les talents venus d’ailleurs et qu’elle offre au monde l’harmonie de son passé, l’élégance de son présent, et l’audace de son avenir.
Il dit aussi qu’il nous appartient d’associer la recherche de la beauté à chacune de nos aventures, qu’un projet ne peut réussir s’il n’est pas aussi, à sa façon, une œuvre d’art. Il dit enfin que la quête du mieux et du beau n’est jamais terminée. Pour le Louvre, en particulier, il faut continuer à tout faire pour que les jeunes générations le visitent, pour qu’il soit un lieu d’innovation, pour que s’y inventent de nouvelles façons d’avoir accès aux œuvres, par la réalité virtuelle, les hologrammes, l’impression 3D. Et surtout, pour qu’il soit une source d’éducation artistique, elle-même dimension majeure de la liberté de chacun, et donc, de la démocratie.
À cela faudrait-il peut-être ajouter que cette pyramide, et tout le projet du « grand Louvre », n’aurait sans doute jamais existé sans celle qui l’a inspirée à François Mitterrand, et à qui, en secret, il la dédie. Parce que, et c’est l’essentiel, rien n’est plus grand que ce qui est fait par amour.
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Les leçons du Louvre
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Abonnez-vous dès 1 €Musée du Louvre (Paris) © Photo Ashwinmandloi - 2012
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°479 du 12 mai 2017, avec le titre suivant : Les leçons du Louvre