Dans un an, la vie muséale new-yorkaise vivra un bouleversement. Le Metropolitan Museum of Art se déploiera dans le bâtiment du Whitney Museum of American Art sur Madison avenue, tandis que le second ouvrira un nouveau lieu entre la High Line et la Hudson river, signé Renzo Piano.
Les deux institutions ont conclu un accord sur huit ans permettant au Whitney de ne pas vendre son immeuble emblématique, dessiné par Marcel Breuer et au « Met » d’élargir la présentation de sa collection d’art contemporain.
Ce rapprochement illustre avec évidence la prédominance croissante de l’art contemporain chez les collectionneurs et trustees. Musée encyclopédique, le « Met » dispose d’un trésor de près de deux millions d’œuvres, couvrant 5 000 ans, données par ou achetées grâce à des mécènes. Certains, comme Robert Lehman, ont légué une fabuleuse collection Renaissance italienne, glorifiée dans une aile spécifique portant leur nom. C’était dans la seconde moitié du XXe siècle. Depuis Lehman Brothers a fait faillite et plus généralement le Met peine à attirer donateurs et mécènes. Ceux-ci ont été récemment courtisés par le New Museum et en permanence par le Guggenheim et surtout le MoMA (Museum of Modern Art), qui vient de conclure une nouvelle extension, lui en achetant et non en louant, l’immeuble de l’American Folk Art Museum. L’art ancien est plus rare à collectionner, mais surtout les quadras de la « nouvelle » économie s’intéressent, eux, à l’art vivant. Il ne faut pas déplorer que, contrairement à leurs prédécesseurs, ils se sentent concernés par leur époque, même si certains achètent souvent plus avec leurs oreilles qu’avec leurs yeux, puisque Kiefer, Jeff Koons, Richter, Jeff Wall… ont valeur de status symbols (symbole de réussite) pouvant être gratifiés d’un siège au Board (conseil d’administration) d’un musée. Investir dans le contemporain est désormais une nécessité pour un musée américain afin d’attirer les indispensables mécènes et assurer son avenir économique. Dans ce domaine, la collection du « Met » était jugée faible en nombre et qualité. À quelques pas du siège historique, la nouvelle aile Breuer sera « un laboratoire, un lieu où nous pourrons être plus créatifs dans notre programmation sans limitations physiques, une opportunité de travailler au-delà des frontières des départements, de faire ce que les autres musées ne peuvent pas », affirme son directeur Thomas P. Campbell qui rénove également l’aile Lila Acheson Wallace, dévolue au contemporain, sur la 5e avenue.
Le « bloc » de Marcel Breuer ne sera donc plus consacré seulement à l’art américain, mais à l’art « global ». Le danger est de voir un énième musée, alignant les mêmes têtes d’affiche que l’on voit partout ou presque. Aux conservateurs du « Met » de mettre en œuvre les mots de Campbell, de coopérer avec leurs collègues du Whitney, d’inventer une autre sélection, une autre présentation, en relation avec leur collection d’art ancien qui est le cœur du musée et la motivation première d’une visite.
Mécènes et donateurs n’ont pas la même importance en France. Mais nos musées des beaux-arts, pas seulement le Louvre ou Orsay, qui dépendent désormais beaucoup plus de leurs contributions, devraient être attentifs à cette évolution du goût. Nombre de jeunes dirigeants, comme ceux de Hermès, des Galeries Lafayette… engagent leurs fondations vers la création. La Société des Amis du musée national d’art moderne (Centre Pompidou) anime un groupe « Perspective », pour les moins de 40 ans et… l’art actuel. Déjà !
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L’époque et la mode refoulent l’art ancien
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°414 du 23 mai 2014, avec le titre suivant : L’époque et la mode refoulent l’art ancien