Death of a King (mort d’un roi) : dans l’espace central, Ulla von Brandenburg a étendu un grand manteau d’Arlequin, séduisant et intriguant, incitant les visiteurs à s’asseoir, se reposer, et les plus jeunes à imaginer un parcours de skate.
Nicolas Sarkozy, en inaugurant le 11 avril le nouveau Palais de Tokyo, s’est fait photographier au centre de cette œuvre. Aujourd’hui, la Triennale bat son plein dans le Palais et l’on se frotte les yeux tant on a encore du mal à croire à cette renaissance après tant de rêves évanouis. En 1937, avenue de Tokyo, un Palais, ou plutôt deux ailes symétriques. Dans un aveuglement, la puissance publique les désunit, l’une à la Mairie, l’autre à l’État. Celui-ci, après avoir consacré pendant trente ans son aile au Musée national d’art moderne, ne sait plus trop qu’en faire. Centre national de la photographie, cinémathèque, école, bibliothèque, palais du cinéma… Au gré des alternances politiques et des ministres de la Culture, des ouvriers cassent, aménagent, construisent puis redémolissent… Résultat, le bâtiment est longtemps abandonné, mité, le mobilier rongé par les champignons comme les fauteuils inutilisés d’une grande salle de projection… Aujourd’hui, 22 000 m2 offerts à l’art contemporain, près de trois fois plus que pour le « Site de création contemporaine » inauguré en 2002.
Un lieu unique, fort de caractère avec ses vastes hauteurs, nef de béton brut de décoffrage, redevenu lumineux avec verrières et grandes baies vitrées, bien loin du monocorde et répétitif white cube. On rêve à nouveau en écoutant le lyrisme de son président, Jean de Loisy, déroulant une programmation à la hauteur du Palais, invitant une trentaine d’artistes « émergents » par an, en confiant parfois l’intégralité à un seul d’entre eux, ne se limitant pas à une seule génération, voulant déborder le modèle traditionnel de l’exposition, jalonnant le flux des expositions par des commandes fixant la symbolique du lieu. Le Palais de Tokyo a désormais la capacité de développer une singularité à côté de la Whitechapel, de la Serpentine, du Hamburger Bahnhof, de PS1, du New Museum et d’autres. Ouvrir l’art contemporain à d’autres horizons et peut-être à d’autres publics, l’(Entre)Ouverture en a donné des signes : confier une salle à Jean-Michel Alberola, intégrer dans l’espace Christian Marclay à côté des jeunes Benoît Pype, Maria Loboda, Vincent Ganivet ou Julien Salaud. Comme l’avaient fait La Beauté à Avignon (2000), Traces du Sacré (2008), comme le font également Les maîtres du désordre. Un président d’art contemporain qui a une curiosité salutaire le poussant à côtoyer sorciers et chamans ! Alors pourquoi ne pas encore rêver, en l’écoutant citer Paul Valéry : « Le temps du monde fini commence ».
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Le Roi est mort, vive le Roi
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°368 du 27 avril 2012, avec le titre suivant : Le Roi est mort, vive le Roi