Le point de tension...

L’équation est connue, et a été une nouvelle fois abondamment rappelée à l’occasion de la publication des caricatures de Mahomet. Liberté d’expression et respect des croyances doivent s’équilibrer. Mais comment ? Là est le problème. Trois constats semblent se dégager.

L’opinion publique est à l’évidence le premier déterminant du curseur entre les deux positions. On devrait le vérifier pour l’exposition « Hans Bellmer » qui ouvre à Beaubourg. Dans un contexte de forte sensibilisation à la pédophilie, les poupées érotisées créées dans les années 1930 par l’artiste allemand ne devraient pourtant pas soulever de vagues d’indignation. Tout se passe comme si le temps leur conférait une légitimité. Mais il n’est pas certain que les mêmes poupées conçues aujourd’hui bénéficieraient de la même mansuétude.

La justice est dans nos sociétés occidentales pacifiées un second type d’arbitre. Le droit fixe deux limites à la liberté d’expression : l’appel explicite à la violence et la diffamation. On se souvient que les tribunaux n’avaient pas condamné le livre de Bettina Rheims (1998) qui retraçait la vie de Jésus en photographies dans des décors modernes. La couverture, représentant une femme à demi nue sur la croix avait pourtant choqué certains catholiques. En revanche ils ont récemment interdit une publicité de la marque Marithé et François Girbaud qui transposait la Cène avec de jeunes mannequins.

À l’échelle mondiale, enfin, il faut admettre que c’est le rapport de force qui fixe le point d’équilibre, ou plus exactement de tension. Les attaques contre les ambassades et les appels au boycott, pèsent sur la liberté d’expression. Dès lors, il est indispensable que les créateurs et la presse se mobilisent pour faire entendre leur voix. Une voix respectueuse des individus mais ferme sur les principes. Car la censure ou l’autocensure conduisent inéluctablement à un monde uniforme et stérile.