Après bien des spéculations, Henri Loyrette, directeur du Musée d’Orsay depuis 1994, a été nommé à la tête du Louvre. En succédant à Pierre Rosenberg, il lui revient de poursuivre le projet du Grand Louvre, mais il hérite aussi de la délicate question des personnels. À Orsay, trois candidats se sont déjà déclarés pour remplacer Henri Loyrette.
PARIS - Depuis quelques mois, le microcosme bruissait de la rumeur : Pierre Rosenberg, à la tête du Louvre depuis 1994, céderait son fauteuil à Henri Loyrette. C’est chose faite depuis le 28 mars. Le directeur du Musée d’Orsay a été nommé, en Conseil des ministres, président-directeur de l’établissement public du Musée du Louvre. Une fonction prestigieuse s’il en est, mais aussi lourde de responsabilités, avec un budget de 775 millions de francs, 1 800 salariés, une surface d’exposition permanente de 58 500 m2, 35 000 œuvres, plus de six millions de visiteurs... Deux candidatures avaient été officiellement enregistrées pour succéder à Pierre Rosenberg : une interne, celle de Christiane Ziegler, conservateur chargé du département des Antiquités égyptiennes, et une externe, celle d’Henri Loyrette, qui a fait toute sa carrière au Musée d’Orsay. Pour la première fois, une personnalité extérieure à la maison, relativement jeune qui plus est, dirigera “le plus grand musée du monde”. Une innovation qui a naturellement rencontré quelques réticences, dans une institution où la promotion interne était la règle. Si le départ à la retraite de Pierre Rosenberg ne suscitera guère de regrets parmi les conservateurs du Louvre, ces derniers, jaloux de leur autonomie, particulièrement dans la programmation des expositions, sont dans l’expectative.
Quelques jours avant son départ, Pierre Rosenberg, qui va entrer au conseil d’administration du Palazzo Grassi à Venise, a lancé un nouveau chantier d’envergure : la transformation de la salle des États pour offrir un espace spécifique à la Joconde, une opération dotée d’un budget de 25 millions (pris en charge par un mécène, en l’occurrence Nippon Television). Ce projet marquera le terme du redéploiement du circuit des peintures italiennes, auquel Pierre Rosenberg avait évidemment contribué lorsqu’il était chargé du département des Peintures. Le réaménagement de ces collections n’aura été que l’un des nombreux chantiers achevés depuis 1994 : l’aile Sackler pour les Antiquités orientales, le département égyptien et les nouvelles salles des Antiquités grecques, étrusques et romaines, le circuit des peintures italiennes, ou encore les objets d’art du XIXe siècle. En janvier, il a annoncé le lancement d’une nouvelle tranche de travaux qui, outre la salle des États, comprend la restauration de la galerie d’Apollon. Pierre Rosenberg s’est par ailleurs vivement opposé à l’installation d’une antenne du Musée du quai Branly au Louvre. L’avenir lui donnera peut-être satisfaction.
À côté de la poursuite du projet du Grand Louvre, son mandat a été marqué par de douloureux problèmes de sécurité, mais surtout par des conflits sociaux, dont la responsabilité est plutôt à chercher du côté du ministère, qu’il s’agisse de la précarité ou des 35 heures. Refusant à la fois l’augmentation du nombre de fonctionnaires et le recours aux vacations, l’État rend impossible la réduction du temps de travail dans de bonnes conditions, puisque environ 20 % des salles sont déjà fermées quotidiennement. Obtenir l’accroissement des effectifs, et peut-être l’autonomie de gestion des personnels, constituera un des objectifs principaux du nouveau directeur.
Le départ d’Henri Loyrette vers le Louvre pose évidemment le problème de sa succession, qui devrait être réglé au plus tard en juin. Trois candidats sont sur les rangs : Anne Distel, conservateur au Musée d’Orsay, commissaire de l’exposition “Signac” au Grand Palais ; Rodolphe Rapetti, un ancien d’Orsay qui a dirigé les musées de Strasbourg, avant d’être chargé de mission à la Direction des musées de France ; et enfin Serge Lemoine, directeur du Musée de Grenoble. Le nom de ce dernier, qui circule avec insistance jusque dans la presse, suscite déjà de sérieuses réserves au sein de l’établissement, mais aussi à l’extérieur. En effet, universitaire, Serge Lemoine était devenu conservateur territorial pour assurer sa mission à Grenoble. Or, seul un conservateur d’État peut diriger un musée national comme Orsay. Un changement de statut express serait alors nécessaire, alors que les passerelles du corps territorial au corps d’État sont d’habitude si difficiles à franchir.
Pierre Rosenberg (soixante-cinq ans)
Entré au Louvre en 1962, il a gravi tous les échelons : d’assistant à conservateur général, avant de succéder à Michel Laclotte comme président-directeur du musée en 1994. Il a fait toute sa carrière au département des Peintures qu’il a dirigé de 1987 à 1994. Reconnu pour sa connaissance de la peinture et du dessin français et italiens des XVIIe et XVIIIe siècles, il a été commissaire de quelques prestigieuses expositions consacrées à Chardin (1979 et 1999), Watteau (1984), Fragonard (1987), Poussin (1994) ou encore La Tour (1997). En 1995, il est entré à l’Académie française.
Henri Loyrette (quarante-huit ans)
Nommé conservateur au Musée d’Orsay en 1978, il en prend la direction en 1994, à la suite de Françoise Cachin. Il a été commissaire de nombreuses expositions comme “Viollet-le-Duc”? (1979), “Chicago, naissance d’une métropole”? (1987-1988) ou “Degas”? (1988), “Impressionnisme, les origines”? (1994) et “Daumier”? (1999). Sous sa direction, le Musée d’Orsay s’est attaché à découvrir des peintres étrangers peu ou pas connus en France : Hammershøi, Jansson, Malczewski ou Ciurlionis. Outre des catalogues d’exposition et de nombreux articles, Henri Loyrette a publié Gustave Eiffel, Degas et La Famille Halévy, entre le théâtre et l’histoire.
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Le Louvre lance la saison des transferts
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°125 du 13 avril 2001, avec le titre suivant : Le Louvre lance la saison des transferts