Que le lecteur nous pardonne d’user du double poncif journalistique que sont la rivalité entre Bernard Arnault et François Pinault, et la fable de La Fontaine. Mais comment résister à l’envie de rapprocher l’annonce de la fondation LVMH de l’histoire du lièvre et de la tortue ?
Comme bon nombre de collectionneurs, les deux entrepreneurs souhaitent exposer les œuvres soigneusement accumulées. Une démarche complexe qui mêle le plaisir de partager à une certaine forme de vanité et un intérêt économique avéré. François Pinault semble prendre une avance décisive. Il annonce en septembre 2000 sa volonté d’ériger un musée privé sur l’île Seguin à Boulogne-Billancourt. À peine un an plus tard le projet est confié à l’architecte Tadao Ando. Mais en mai 2005 le propriétaire de PPR et de Christie’s jette l’éponge.
Bernard Arnault est plus circonspect. Propriétaire d’un bâtiment dans le Jardin d’acclimatation à Paris, il contacte discrètement l’architecte Frank Gehry début 2004 et lui attribue la commande sans compétition. Tout aussi précautionneusement, il négocie les autorisations administratives avec le maire de Paris et le ministre de la Culture : le bâtiment avec le premier, et la fondation et ses avantages fiscaux avec le second.
L’échec de François Pinault, son rival, le sert. Le maire et le ministre ne veulent pas revivre le fiasco très médiatisé de l’abandon de François Pinault. Fort de leur soutien, le patron de LVMH peut alors présenter en grande pompe il y a quelques jours la maquette d’un bâtiment étonnant, tout enveloppé de verre transparent et aux formes très destructurées. Le coût est estimé à 100 millions d’euros. À comparer avec les 817 millions de résultat net du groupe pour le seul premier semestre 2006. Mais, si le bénéfice en terme d’image pour la marque Louis Vuitton qui donne son nom à la fondation est certain, la programmation du site est encore floue.
À l’arrivée, il est fort probable que les Parisiens pourront admirer le bâtiment de Gehry et les collections de Bernard Arnault dès la fin 2009. Et la tortue de la fable d’empocher la mise.
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Le lièvre et la tortue
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°585 du 1 novembre 2006, avec le titre suivant : Le lièvre et la tortue