Sale temps pour le British Museum ! À l’heure où les musées investissent massivement les réseaux sociaux pour faire parler d’eux, voilà la vénérable institution objet d’une tempête médiatique dont elle se serait bien passée. Au-delà du scandale provoqué par le vol présumé de quelque 2 000 pièces de grande valeur, cette affaire braque les projecteurs sur un problème, commun à bien des musées, celui du référencement des collections anciennes.
Inventaire Impossible - Car, si pendant 20 ans, des pierres, des bijoux et des petits objets ont pu se volatiliser sans que personne ne s’en rende compte, c’est que ces vols concernaient des pièces dont l’inventaire n’avait jamais été fait dans le détail. D’où l’embarras de la direction du musée, quand elle a été alertée, il y a deux ans, d’éventuelles disparitions. Comment vérifier qu’ont été dérobés des éléments dont on ne connaît pas précisément l’existence ? Avec effarement, le grand public a découvert à cette occasion que la moitié des huit millions de pièces composant la collection de ce prestigieux musée est mal ou pas répertoriée ! Ubuesque ? Pas tant que cela, quand on connaît l’ampleur de la tâche. Tous les établissements ayant bénéficié de fonds remontant au XIXe siècle sont logés à la même enseigne, à plus ou moins grande échelle. Sur le réseau social X (ex-Twitter), un expert en vol d’art estimait que, compte tenu des quantités impressionnantes d’objets, il faudrait au minimum 685 années pour que quatre personnes travaillant en continu parviennent à référencer l’ensemble des collections de ce musée fondé en 1753 ! Et encore, en supposant que les informations concernant chaque objet soient disponibles et vérifiées. La provenance des pièces, par exemple, une information essentielle aujourd’hui, est souvent manquante. Alors, comment accomplir ce travail titanesque ? Faut-il sous-traiter une partie de ce catalogage, et auprès de qui ? Et comment garantir la sécurité des pièces ainsi dispersées ?
La Sécurité En Question - Plus largement, la question que pose en filigrane cette affaire est celle de la sécurité globale des collections. En 2019, le British Museum a entrepris de moderniser ses systèmes de stockage et de sécurité, investissant 64 millions de livres (plus de 74 millions d’euros) dans une nouvelle installation. Las, celle-ci n’est toujours pas opérationnelle. Or, c’est justement l’argument de la sécurité qui a été moult fois avancé pour s’opposer à des restitutions, notamment de la part de l’institution londonienne. Les pays les plus demandeurs en la matière, la Grèce et la Chine, ne se sont pas privés de souligner ce paradoxe. À l’inverse, pourrait-on répliquer, comment assurer la sécurité des collections partout dans le monde, si même le fleuron des musées britanniques est incapable de la garantir en son sein ? L’onde de choc de cette rocambolesque affaire n’a pas fini de produire ses effets.
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Le casse-tête des collections
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°768 du 1 octobre 2023, avec le titre suivant : Le casse-tête des collections