Jusqu’où les artistes nous emmèneront-ils ? C’est en substance la question que l’on peut légitimement se poser après les dernières frasques du trublion Wim Delvoye. Le Belge est passé maître dans le tatouage, le plus souvent pratiqué sur des cochons, dont il dispose à cet effet d’un « élevage artistique » en Chine. Du cochon à l’homme, il n’y a qu’un pas, qu’a franchi l’artiste en tatouant notamment son galeriste genevois Guy Bärtschi. Chaque fois, l’image en question n’est destinée qu’à la délectation personnelle du tatoué et à celle de ses proches. L’œuvre dévoilée à la foire ShContemporary de Shanghaï le 10 septembre est d’une tout autre nature. Un collectionneur de Hambourg, Rik Reinking, a, en effet, acheté pour 150 000 euros un dessin tatoué dans le dos du Zurichois Tim Steiner, un musicien trentenaire. Par contrat signé avec la galerie de Pury & Luxembourg, l’acquéreur peut exposer cette œuvre vivante trois fois par an pour son propre compte ou à l’occasion d’expositions, comme il vient de le faire par roulement de vingt minutes à Shanghaï. À la mort du « porteur », la surface gravée sera dépecée et remise au collectionneur. La galerie s’est même assurée juridiquement devant notaire que les proches du tatoué ne s’opposeraient pas à la conservation de l’œuvre après son décès.
Cette transaction soulève évidemment des problèmes éthiques, liés à la question de la propriété d’un être humain vivant et de son corps. Elle est aussi révélatrice de l’élargissement du champ de l’art, de la sacralisation de l’œuvre et de la sacro-sainte légitimation par le marché.
Paradoxe, un journaliste d’un célèbre quotidien du soir, tatoué par Delvoye il y a quelques années, avait proposé de léguer à sa mort cette œuvre au Centre Pompidou, gratuitement. Mais ne mesurant pas la dimension historique de ce geste, le musée avait répondu par une fin de non-recevoir.
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L’art à fleur de peau
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°288 du 3 octobre 2008, avec le titre suivant : L’art à fleur de peau