L’Exposition internationale des beaux-arts de la Ville de Venise est créée en 1895 par un petit groupe d’intellectuels, d’artistes et d’hommes d’affaires vénitiens, désireux d’œuvrer pour le prestige et l’économie de leur ville.
D’abord concentrée au Palais de l’exposition, la manifestation s’étend dans les Giardini où sont construits des pavillons nationaux, comme le pavillon français en 1912. La participation française à la Biennale est constante de 1895 à 1938. Prévue jusqu’en 1940, elle est cependant annulée in extremis en avril 1940. Notre étude s’est trouvée au carrefour de trois histoires : histoire culturelle des relations internationales, prenant l’œuvre d’art comme système de communication, vecteur de discours et moyen d’une action politique, histoire des expositions et histoire de l’art, la confrontation avec l’art exposé et son étude artistique paraissant indispensables.
Considérée d’abord comme une annexe mondaine de la diplomatie, la culture devient au cours du premier XXe siècle une composante essentielle de la politique internationale française, toujours située en ce qui concerne la Biennale au croisement de l’initiative privée et de l’action gouvernementale. De nombreux acteurs interviennent à différents niveaux dans l’organisation des expositions françaises. Il est relativement aisé d’identifier les acteurs institutionnels italiens et les commissaires français, et de déterminer la part de chacun dans le montage des expositions. De même, les protagonistes du corps diplomatique et politique, acteurs de cette diplomatie culturelle en constante évolution, émergent sans trop de peine. Trois secrétaires généraux se succèdent au cours de notre période : Antonio Fradeletto (1895-1914), Vittorio Pica (1920-1926), et Antonio Maraini (1928-1940). Le commissariat français est assuré par Gustave Soulier, Alexandre Charpentier et Albert Besnard, Léonce Bénédite, Charles Masson, André Dézarrois et Jean Cassou, et enfin Louis Hautecœur. En revanche, ce système est doublé par l’action interlope d’auxiliaires variés, dont l’action revêt des contours nettement moins définis, à l’instar d’Ugo Ojetti ou de Matsukata Kôjirô. La question du rôle de l’État, enfin, est cruciale. L’« affaire » du pavillon français révèle toute l’ambiguïté de la posture hexagonale, ambitieuse mais attentiste. Malgré les nombreuses relances concernant la vente de l’édifice, depuis la construction et dans les année 1930, la France se retire de la Biennale avant d’avoir acheté son pavillon.
La mise au jour de la ligne artistique du pavillon français et de ses prodromes au Palazzo centrale était l’un des objectifs de cette recherche. Navigant entre sections dites contemporaines et rétrospectives historiques et personnelles, l’exposition française n’est pas univoque. Certes, les avant-gardes radicales n’ont pas droit de cité au pavillon français, mais les académismes les plus fidèles à la tradition, celle du Salon, celle de l’Institut, n’y entrent pas non plus. Le compromis réalisé entre des tendances artistiques diverses, mais jamais extrêmes, reflète les convictions des commissaires. Plus encore, le pavillon français se fait le miroir des débats de la scène nationale, notamment au sein de l’administration des Beaux-Arts. L’intervention des conservateurs comme Léonce Bénédite, Charles Masson, Louis Hautecœur, André Dézarrois et Jean Cassou contribua à faire tomber, sur la scène vénitienne et dans une mesure modérée, les œillères d’administrateurs pour le moins conservateurs. Ainsi, il est significatif que des artistes de l’école de Paris, alors peu présents dans les collections nationales, des artistes indépendants et des artistes déjà reconnus mais ignorés par l’institution comme Matisse accèdent au Pavillon français.
À la fin de la période, tout concourt pour donner à la France les armes adéquates à un affrontement pacifique dont l’art national est la clé. L’affirmation de la puissance nationale par l’art ne peut cependant se passer de la diplomatie. Aussi la France, par l’intermédiaire de ses commissaires, se montre-t-elle à l’écoute des demandes, directes ou indirectes, italiennes. Certaines zones demeurent cependant dans l’ombre. La question de l’implication gouvernementale de la France demande des éclaircissements. La poursuite de l’entreprise d’identification de l’art exposé est nécessaire et devra aboutir à un catalogue des plus complets. Enfin, parallèlement à l’examen de la réception par la critique et par le public, il serait intéressant de considérer la Biennale comme une plateforme d’échanges et d’influences artistiques entre les exposants.
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La France à Venise. Participation et représentation françaises à la Biennale de Venise, 1895-1940
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°412 du 25 avril 2014, avec le titre suivant : La France à Venise. Participation et représentation françaises à la Biennale de Venise, 1895-1940