Alors que l’article 1er du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, en cours d’examen au Parlement, affirme fièrement : « La création artistique est libre », l’article 3 est en revanche un bel exemple de jacobinisme liberticide. La nomination des dirigeants des structures labellisées qu’il subventionne fera dorénavant l’objet d’un agrément du ministre de la Culture. Cela concerne en premier lieu le spectacle vivant avec ses 289 établissements (scènes nationales, scènes de musiques actuelles…), mais aussi la quarantaine de centres d’art. Officiellement il s’agit, c’est inscrit dans la loi, de « concourir à une représentation paritaire des femmes et des hommes ». Il s’agit aussi, mais cette intention ne figure que dans l’exposé des motifs, de rajeunir les directeurs.
Cela est louable dans les intentions, mais rétrograde et hypocrite dans la démarche. Rétrograde, car la gauche qui est pourtant motrice dans la décentralisation signe ici un texte centralisateur. Fait-elle à ce point si peu confiance aux élus locaux pour choisir les dirigeants de ces structures ? Pourquoi légiférer quand le contrat qui les lie confère à l’État des moyens d’action, par exemple en supprimant la subvention ? Et, dans la pratique, comment vont s’organiser la parité et le renouvellement des générations au niveau national ? On risque d’arriver à d’étranges situations : un directeur âgé de 55 ans d’une scène nationale dans le Nord sera écarté, car les statistiques obligent à nommer une femme de 30 ans dans le Sud (ou l’inverse)… Hypocrite car l’État ne respecte pas les règles qu’il veut imposer aux autres. Jetons simplement un coup d’œil sur les dernières nominations de son ressort et qui font l’actualité de ce numéro : Serge Lasvignes au Centre Pompidou est âgé de 61 ans et Jean-Marc Bustamante, aux Beaux-Arts de Paris, de 63 ans. On ne voit pas d’autres raisons que leur « compétence unique » pour justifier une dérogation à la volonté de parité/renouvellement. À l’inverse, quand l’État veut imposer Hilde Teerlinck, une jeune femme de 49 ans, à la tête de l’école de Bourges, il doit faire machine arrière devant l’hostilité de son personnel. Voyons ce qu’en pense le Parlement.
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Jacobinisme
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°441 du 18 septembre 2015, avec le titre suivant : Jacobinisme