Intelligence artificielle (IA)

Impossible statue ou impossible statut ?

Par Aude-Claire de Parcevaux · L'ŒIL

Le 27 juin 2023 - 421 mots

Juste avant l’été, le Musée des sciences et des technologies de Stockholm a créé l’événement en exposant la première statue générée par une intelligence artificielle. Ses concepteurs avaient pour idée de donner naissance à une œuvre combinant le génie de cinq sculpteurs : Rodin, Michel-Ange, l’Allemande Käthe Kollwitz, le Japonais Kōtarō Takamura et l’Américaine Augusta Savage.

Autant le dire tout de suite, cette sculpture en acier d’un mètre cinquante, traits androgynes, posture d’athlète et globe en bronze à la main, ne ressemble vraiment pas à grand-chose. Ou plutôt si : on dirait un trophée géant, à mi-chemin entre une récompense des Oscars, le droïde C-3PO de Star Wars et un Salvatore Mundi qui aurait mal tourné. Bref, si cette Statue impossible– c’est son nom – est une prouesse technologique, sur le plan artistique c’est un monstre, ou plutôt une chimère, au sens étymologique du mot. Évidemment, ce résultat caricatural ne saurait résumer l’utilisation de l’intelligence artificielle dans les projets artistiques, ni la disqualifier. Au contraire, l’avènement des intelligences artificielles génératives constitue un outil exploratoire inédit, et les quantités phénoménales d’informations, de mots et d’images, que sont capables désormais de traiter ces machines ont ouvert le champ des possibles pour de nombreux artistes. En témoigne, par exemple, le travail de Grégory Chatonsky, l’un des pionniers en la matière (voir page 22). Mais l’exposition d’une telle statue dans un musée de premier plan, souligne aussi que les artistes ne sont pas les seuls concernés par l’impact de l’IA dans le domaine de l’art. Dans un avenir très proche, les institutions culturelles vont être elles aussi largement impactées. Elles doivent s’y préparer et faire entendre leur voix. Une table ronde, organisée en avril dernier sous la houlette des musées d’art de San Francisco, réunissant plus de treize directeurs de musées du monde entier, a ouvert quelques pistes de réflexion, à propos des enjeux de propriété intellectuelle notamment. Quel rôle les institutions culturelles peuvent-elles – ou doivent-elles – jouer, par exemple, pour garantir la véracité des connaissances présentées par les intelligences artificielles, ou pour sensibiliser le public aux enjeux de la révolution en cours ? Autre sujet : peuvent-elles et comment peuvent-elles utiliser ces nouveaux outils pour mieux raconter le monde et toucher leurs publics de manière renouvelée ? Bref, les défis sont innombrables, et la réflexion qui s’engage va être passionnante.
Quant à moi, je me réjouis de prendre la suite de Fabien Simode en tant que rédactrice en chef de L’Œil dans ce contexte stimulant. Bel été à toutes et à tous !

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°766 du 1 juillet 2023, avec le titre suivant : Impossible statue ou impossible statut ?

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