Avez-vous vu le Napoléon de Ridley Scott ? Au-delà de la qualité – très discutable – de ce long métrage, un élément marquant du film est la reconstitution grandeur nature du tableau de David, Sacre de l’empereur Napoléon Ier et couronnement de l’impératrice Joséphine. En 1807, en découvrant cette toile gigantesque qui plonge le spectateur au cœur de l’événement, Napoléon se serait écrié : « Ce n’est pas une peinture : on peut entrer dans cette image ! ». Bref, le Sacre serait en quelque sorte la première œuvre immersive de l’histoire de l’art.
Immersif, le mot est lâché. Utilisé à toutes les sauces, ce vocable est devenu en quelques années l’argument clé pour attirer le public, l’alpha et l’oméga de tout événement culturel réussi. Car, solliciter la seule vue – comme le font encore la plupart des musées ou des expositions – n’est aujourd’hui plus suffisant pour transporter un public qui, habitué à l’omniprésence de l’image et de la vidéo, recherche des expériences sensorielles et émotionnelles transcendant les limites de la contemplation passive.
Déjà Dans Les Années 1970, - Le cinéaste et photographe Albert Plécy rêvait d’une « image totale », qui intégrerait le spectateur au point qu’il puisse se promener dedans. Pour y parvenir, il avait fondé un centre d’art numérique, la Cathédrale d’images, qui proposait des projections d’images d’art sur les parois géantes des carrières des Baux-de-Provence. Les lieux ont été repris par Culturespaces, et ce concept s’est développé avec succès dans d’autres endroits en France et dans le monde. Par ailleurs, avec la généralisation des casques à réalité virtuelle, de nombreuses expositions sont désormais accompagnées de propositions immergeant le visiteur dans l’univers ou l’atelier d’un artiste.
Mais on oublie que cette recherche d’immersion dans l’art est bien plus ancienne que ces technologies. La très intéressante exposition qui se tient actuellement à Lausanne, rappelle comment déjà, à l’aube des années 1950, des artistes ont tenté d’expérimenter l’espace par les sens. C’est notamment le cas de Lucio Fontana, fondateur du spatialisme, un mouvement qui cherchait à créer une œuvre alliant son, couleur, mouvement et espace.
Au-delà De Ces Expérimentations, - il est des expositions réellement « immersives », alors même qu’elles ne sont dotées d’aucun équipement technologique particulier. Le Paris de la modernité au Petit Palais en est un bon exemple. Grâce à la présence, aux côtés des peintures, de décors, costumes, photos, affiches, papiers peints, objets… mais aussi de musique (quelle bonne idée de donner à entendre L’Oiseau de feu au moment où l’on évoque les Ballets russes de Diaghilev et l’inauguration du Théâtre des Champs-Élysées en 1913), le visiteur est tout entier transporté dans cette « modernité ».
Bref, immersif signifie surtout suffisamment bien mis en scène pour qu’un visiteur du XXIe siècle se trouve emporté dans un propos, comme dans un bon livre, un film ou une série. Au point d’en oublier la réalité, et l’espace-temps durant un instant. C’est ce que les neuroscientifiques appellent la « suspension d’incrédulité », un mécanisme par lequel le cerveau met temporairement en pause sa distance critique, pour plonger dans une histoire et réagir émotionnellement comme si c’était la réalité.
Alors, en cette période de vœux, toute l’équipe de L’Œil se joint à moi pour vous souhaiter une belle année 2024, pleine d’expositions immersives, qui, le temps d’une visite, suspendront l’instant pour vous immerger tout entier dans l’art.
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Immersif, forcément immersif
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°771 du 1 janvier 2024, avec le titre suivant : Immersif, forcément immersif