Grand écart

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 14 décembre 2010 - 304 mots

Âge d’or mythique, l’Antiquité gréco-romaine n’en finit pas d’influencer penseurs et artistes. Peu de civilisations ont eu, et ont encore, une incidence comparable sur les cultures qui leur ont succédé, jusqu’à profondément imprégner, en négatif ou en positif, l’art et l’architecture du monde occidental contemporain. Cette influence a rejailli avec plus ou moins d’intensité suivant les époques, de l’Antiquité tardive au début du XXIe siècle. Dans ce registre, la Renaissance constitue l’une des plus importantes périodes de redécouverte de la culture classique, de son vocabulaire plastique et architectural, de sa philosophie et de sa mythologie. Peintures, fresques, palais et châteaux en témoignent encore un peu partout en Europe, de Mantoue à Fontainebleau. Le Louvre se penche quant à lui actuellement sur le XVIIIe siècle, époque de la redécouverte de Pompéi et d’Herculanum, des villes rayées de la carte par l’éruption du Vésuve en 79 avant Jésus-Christ. 

L’Antiquité a profondément imprégné les arts de ce siècle, jusqu’à donner naissance à l’un des mouvements qu’elle a le plus fortement inspirés, le néoclassicisme. Même si les artistes d’aujourd’hui ont été moins formés à la culture classique que leurs aïeuls, certains parmi eux revisitent à leur manière la sculpture grecque ou les ruines romaines. Mais c’est surtout dans le domaine de l’architecture que le vocabulaire antique a encore de beaux jours devant lui. Certes, il est souvent réduit à un rôle décoratif, plaqué sur des murs-rideaux, quand frontons, colonnes et pilastres viennent donner un supplément d’âme à des bâtiments qui en sont désespérément dépourvus. Cette utilisation superficielle du vocabulaire architectural antique a même gagné les pays émergents, Chine en tête, où l’on peut parfois découvrir des interprétations très personnelles des ordres antiques ! C’est tout le paradoxe du devenir contemporain de l’héritage antique : faire le grand écart entre la culture savante et le pastiche de parc d’attractions.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°337 du 16 décembre 2010, avec le titre suivant : Grand écart

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