Élections présidentielle

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 26 août 2016 - 767 mots

À l’exception des présidentielles américaines, dont le feuilleton passionne les Français, les élections
des présidents étrangers suscitent peu d’intérêt en France. C’est un tort.
 
Au moment où les relations se sont globalisées, leurs résultats peuvent avoir des conséquences sur la diplomatie, l’économie, la coopération scientifique… comme sur la culture. Ainsi de l’élection, le 20 mars dernier, de Patrice Talon face au Franco-Béninois Lionel Zinsou à la présidence du Bénin. Qui l’a suivie ? Au Musée du quai Branly-Jacques Chirac, on l’a assurément scrutée avec attention. Non pas seulement en raison de l’amitié qui unit l’institution au candidat malheureux – collectionneur d’arts africains, Lionel Zinsou préside la Société des amis du musée depuis 2014 –, mais parce qu’une demande de restitution des œuvres sorties de la région pendant la colonisation française pend comme une épée de Damoclès au-dessus du musée parisien. Ou, plus exactement, pendait, le gouvernement béninois ayant, cet été, officiellement formulé à la France sa demande de restitution de ces pièces. Les œuvres pillées à la cour de Béhanzin, roi d’Abomey, sont au centre de la réclamation, parmi lesquelles les récades royales, les portes du palais et la statue anthropozoomorphe du roi Glélé conservées au Quai Branly. Fils de Glélé, Béhanzin (1845-1906) est le onzième roi libre du royaume de Dahomey, au sud-ouest de l’actuel Bénin. Sa résistance au colonisateur lui valut d’être exilé en Martinique, après sa reddition en 1894, et fait aujourd’hui de lui un héros de l’Afrique. Légitime sur le plan éthique mais pas sur celui du droit, la demande du Bénin est une première dans cette région du monde. Elle est le résultat d’une campagne menée, depuis 2013, par le Conseil représentatif des associations noires de France (le Cran), à laquelle n’avaient pas donné suite les dirigeants du pays, jusqu’à la victoire en 2016 du président Talon. Probablement ne faut-il voir dans ce calendrier qu’une coïncidence, la demande n’étant pas directement tournée contre Zinsou – celui-ci est également un ancien Premier ministre du Bénin. Ce qui, en revanche, n’est pas fortuit, c’est la concomitance de cette demande avec les dix ans du Musée du quai Branly, célébrés en juin dernier. Depuis son inauguration en 2006, l’institution des bords de Seine réalise un travail remarquable pour la connaissance et la reconnaissance des arts de l’Afrique. Souvenons-nous seulement de ses expositions « Bénin, cinq siècles d’art royal », en 2007-2008, et « Artistes d’Abomey », en 2009-2010, qui poursuivait le travail d’identification de ces artistes « anonymes » qui se cachent derrière les œuvres que le public admire dans les musées et que le Bénin souhaite récupérer… C’est ainsi ; la réussite du Quai Branly participe, malgré elle, à la fabrique de la conscience d’une histoire des arts lointains qui fonde aujourd’hui la demande du Bénin. Et demain ? Quels seront les prochains pays d’Afrique qui réclameront à la France, à la Belgique ou aux anciens empires coloniaux qui se sont « partagé » l’Afrique à la conférence de Berlin de 1884, le retour de leur patrimoine artistique ? Une partie de la réponse se trouve dans les futures expositions du musée ; l’autre, dans le résultat des prochaines élections présidentielles africaines…

Le président Hollande répondra-t-il au gouvernement béninois avant la fin de son quinquennat, ou laissera-t-il ce dossier pour le mandat suivant ? À moins qu’il juge que la création de la future Fondation française pour la mémoire de l’esclavage, dont il a confié la préfiguration à Lionel Zinsou en mai dernier, vaille pour réparation ? Car cette rentrée 2016-2017 sonne le lancement d’une autre campagne présidentielle ; celle-ci élira le président de la République française le soir du 7 mai 2017. La culture, qui n’est plus un enjeu pour les candidats, y trouvera-t-elle sa place ? Les dernières élections locales et le jeu cruel de l’alternance laissent un goût amer : centre d’art Le Quartier à Quimper et Galerie du Dourven dans les Côtes-d’Armor fermés, Château-d’Eau à Toulouse et Musée Nicéphore Niépce à Chalon-sur-Saône (ville berceau de la photographie) menacés, Lieu du design à Paris privé de ses expositions par la Région Île-de-France et à l’avenir incertain… Quelle place les candidats à la présidence, de droite comme de gauche, accorderont-ils donc à la culture ? Pour pérenniser ses institutions et les sortir enfin, au nom de l’intérêt commun, de l’étau stupide de l’opposition par principe. Parce qu’en France, comme au Bénin, la culture est d’abord affaire de volontarisme politique…

Parce que finalement, comme l’écrit dans l’une de ses vérités l’artiste Ben, qui intervient avec son alphabet tout au long de ce numéro de L’Œil : « RIEN NE NOUS APPARTIENT ».

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°693 du 1 septembre 2016, avec le titre suivant : Élections présidentielle

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