Dégonflée

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 22 juin 2011 - 501 mots

La structure d’Anish Kapoor a rendu, le 23 juin, son dernier souffle. Après l’arrêt des turbines qui le maintenaient en vie, le Léviathan conçu par l’artiste pour Monumenta, un monstre de caoutchouc haut de 17,35 m pour 100 m de long, a fini de cracher les 72 000 m3 d’air envoyés dans ses poumons. Mort, le Léviathan ? Pas sûr, il est comme le monstre de Job : « inébranlable », capable de rire « du frémissement du javelot ». Même si l’artiste a fait référence au Léviathan de Hobbes, allégorie de l’État, le Léviathan de Kapoor partage avec celui de la Bible ce pouvoir de faire se retirer « les vagues de la mer »… afin que s’ouvrent les colonnes des journaux étrangers. Du New York Times à Der Spiegel, d’El País au Chicago Tribune, la presse internationale a unanimement salué la prestation de l’artiste britannique, le critique du Telegraph confessant même avoir été « complètement conquis ». Conquis par l’œuvre d’abord, mais aussi par le Grand Palais que d’aucuns ont comparé – excusez du peu – au Turbine Hall de la Tate Modern à Londres. À quelques semaines de l’inauguration de la Fiac et de Paris Photo sous les verrières du même Grand Palais, cette comparaison apporte un peu d’oxygène à la capitale française qui semble reprendre son souffle sur la scène mondiale. Un Paris comme regonflé à bloc…  

Gonflé Daniel Buren est-il d’avoir accepté la prochaine invitation de Monumenta, en 2012. Il avoue lui-même, dans une interview à paraître dans L’œil au mois de septembre, avoir le trac, tant investir le Grand Palais revient à « prendre un risque » (Anish Kapoor, Guardian). Mais il y a des rendez-vous qui ne se manquent pas. Pourtant, s’il existe un artiste qui présente a priori les qualités pour réussir « son » Monumenta, c’est bien lui. Identifié sur la scène internationale, Buren a montré à maintes reprises son talent à s’emparer de lieux difficiles :  le Palais-Royal en 1986, le Centre Pompidou en 2002, le Guggenheim de New York en 2005… Cet été encore, il réussit le tour de force de faire entrer la cathédrale messine au dernier étage du Centre Pompidou-Metz. Mais Pompidou-Metz n’est pas le Grand Palais. Cela Buren le sait,  qui devra se surpasser pour habiter un monument vers lequel le monde entier sera tourné… 

Gonflé enfin, est Luc Ferry qui, quelques jours avant ses déclarations tonitruantes sur le plateau de Canal , nous a accordé l’entretien que vous lirez dans ce numéro. Si le philosophe y dresse un portrait sévère, et parfois juste, de l’art contemporain, il est délicat de réduire le Carré noir sur fond blanc de Malevitch à une simple raillerie de la perspective en peinture.  C’est faire abstraction de la visée insurrectionnelle d’une œuvre dans le contexte d’une révolution sociale plus profonde. Comme il est curieux d’en appeler aux « contribuables » pour attaquer le Monumenta de Christian Boltanski en 2010. C’est oublier les retombées de l’événement, positives  pour l’image de la France, en omettant de dire que, si le contribuable paie, les artistes apportent aussi une partie de son financement… Gonflé et gonflant.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°637 du 1 juillet 2011, avec le titre suivant : Dégonflée

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