12 janvier 2012 : Damien Hirst veut assurer son monopole sur un « segment » du marché de l’art. Les onze galeries Gagosian de huit villes en Europe, Amérique et Asie inaugurent le même jour « The complete spot paintings 1986-2011 ».
Trois cents peintures exposées, un catalogue raisonné de 1500 numéros, dont cinq réalisés au départ par l’artiste, les autres ensuite par ses assistants. En 2008, ce joueur avait réussi un coup : disperser directement chez Sotheby’s 223 œuvres, en forte majorité récentes. La vente avait accumulé 139 millions d’euros au lendemain du Black Monday et de la faillite de Lehman Brothers. Le premier vernissage quasi planétaire se fêtera alors que l’Europe enchaîne les sommets de crise et que se profilent récession et chômage dans le monde. Prochaine étape ? Un vernissage commun à la Tate Modern, au MoMA, au Centre Pompidou, à la Hamburger Bahnhof, au Museo Reina Sofia… Immense déception (!), seule la Tate Modern ouvrira le 4 avril une rétrospective Damien Hirst. L’insti-tution résisterait-elle encore ?
L’ironie est de mise face à un homme intelligent, ou redoutablement malin, qui joue si bien de la provocation et de la communication. À moins de rentrer dans son jeu des extrêmes où in fine tout est simplifié, où toute discussion est réduite à une polémique manichéenne. Dans cette entreprise, il a trouvé un allié de choix : Larry Gagosian qui rêve d’une multinationale dont le produit serait l’art. Selon Hirst, il est plus excitant aujourd’hui pour un artiste d’avoir créé la possibilité commerciale d’accrocher une postcard dans chaque maison du monde plutôt que d’avoir peint La Joconde. Dans le Los Angeles Times, il souligne aussi qu’il a encore de la marge : il n’a réalisé que 4800 pièces (sans les éditions) alors qu’Andy Warhol en totalise 10 000 et Picasso 40 000. Gagosian et Hirst s’entendent bien car ils se ressemblent : si le premier s’inquiète d’une surabondance des peintures signées par l’artiste, le second le convainc que le marché en absorbera davantage.
Le père des « YBA » se rebelle
Dans cette spirale, il fallait un autre coup d’éclat, pas vraiment une fausse note. Dans le Guardian, Charles Saatchi publie une charge où il s’indigne de la vulgarité de la foule des « super-riches acheteurs d’art ». Le père des « Young British Artists » (1992) est aujourd’hui dépassé.
L’apprenti sorcier, l’arroseur arrosé devient un parangon de vertu qui s’interroge naïvement sur la capacité des oligarques, des hedge funds (fonds d’investissement spéculatifs) à regarder réellement l’art et affirme qu’il a toujours réinvesti dans l’art l’argent qu’il en avait gagné. Bataille d’ego surdimensionnés. Mais attention, dans ce tohu-bohu, n’oublions pas que quand les requins se battent, les crevettes risquent de trinquer.
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Damien Hirst’s Monopoly
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°360 du 6 janvier 2012, avec le titre suivant : Damien Hirst’s Monopoly