« Nuit de Chine au Grand Palais » : avec un tel titre donné à la grand-messe devant célébrer, le 27 janvier, le 50e anniversaire des relations diplomatiques entre la Chine et la France, notre pays ne craint pas de câliner les clichés.
« Une merveilleuse opportunité de célébrer avec force et authenticité » la relation qui unit les deux pays « au travers d’un événement culturel de premier plan », « une allégorie artistique », « un récit qui se veut résolument tourné vers le futur », orchestré par l’ancien ministre de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres, co-commissaire, via sa société RDDV Partner.
Continuité ? En 2004, Jean-Michel Jarre n’avait-il pas été reçu dans la Cité Interdite pour un concert lançant l’année de la France en Chine. Le titre ne pourrait être qu’un clin d’œil, le spectacle pourrait surprendre mais, quoi qu’il en soit, l’enjeu n’est pas là. « Nuit de Chine au Grand Palais se veut également un forum de rencontres pour les entreprises des deux pays », affirme plus prosaïquement le communiqué. Les chevaux de Bartabas, requis pour nous entraîner dans l’année du Cheval (!) ne seront qu’un prétexte, comme les chefs-d’œuvre de l’art français expédiés à Pékin. La Chine « reconnue » il y a cinquante ans est vue à travers un prisme, celui de la future première puissance économique mondiale. Promesse de marchés d’équipement et de consommation. La phase mercantiliste de la mondialisation est à l’œuvre et il y a fort à faire. La Chine est notre premier déficit commercial (26,5 milliards d’euros en 2012), nous ne grignotons qu’1,33 % de son marché, contre 5,1 % pour les Allemands. Elle nous détrône dans nos anciennes colonies, devenant ainsi le premier fournisseur de l’Algérie. Sauve-qui-peut, chacun pour soi et Pékin sait bien jouer de cette concurrence.
La diplomatie devant assurer sécurité et croissance, « Nuit de Chine au Grand Palais » jouera sa musique sur une partition bien écrite, bien normée où toute aspérité aura été gommée, toute fausse note interdite. C’est bien là les limites d’un tel exercice quand celui-ci prétend servir la création artistique. Nous avons appris l’an dernier que les Chinois, s’interrogeant sur l’état de leur société, la nécessité et le danger de mener des réformes, lisaient Tocqueville. L’Ancien Régime et la Révolution est devenu un best-seller et a été recommandé aux cadres du Parti. Les Chinois, pour qui, selon Michel Foucher (1), « la France est le pays de la pensée politique », sont donc preneurs d’idées. Soyons à leur hauteur. Devenons « une référence, une nation créative, un lieu d’initiative », comme l’encourage l’ancien ambassadeur afin d’exercer une véritable diplomatie d’influence, et non un soft power à l’américaine. Pour les Chinois, influence se traduit par « ombre portée »...
(1) Atlas de l’influence française au XXIe siècle, ouvrage sous la direction de Michel Foucher (Institut Français, éditions Robert Laffont, 29 €).
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Câliner les clichés
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°404 du 3 janvier 2014, avec le titre suivant : Câliner les clichés