PARIS
Banksy - Banksy, la suite. Quelques semaines après son coup d’éclat chez Sotheby’s, le street artist a fait encore parler de lui, mais, cette fois, malgré lui. En janvier, des voleurs ont dérobé l’œuvre qu’il avait réalisée en juin 2018 sur l’une des issues de secours du Bataclan, à Paris. Le pochoir, exécuté dans le plus pur style Banksy, représentait une jeune femme au regard triste, le visage voilé légèrement incliné en avant, en position de recueillement. Qu’il s’agisse d’un hommage aux victimes du Bataclan n’a visiblement pas ému les malfaiteurs, qui ont découpé la porte à la disqueuse avant de l’emporter. Ce n’est pas la première fois qu’une œuvre de Banksy est dérobée en pleine rue. Une peinture représentant un enfant cousant des drapeaux britanniques (Slave Labour) avait déjà été arrachée du mur d’un magasin de discount à Londres en 2013. Quand elles ne sont pas volées, les œuvres peuvent être détruites – Spy Booth, trois espions écoutant une cabine téléphonique, a disparu lors de travaux à Cheltenham en 2016 –, voire tout simplement effacées. C’est ainsi qu’un pochoir représentant des pigeons tenant des pancartes contre l’immigration fut effacé en 2014 par des habitants qui le jugeaient, à tort, raciste ! Résultat, quand une peinture de Banksy apparaît quelque part dans le monde, la communauté de ses fans s’organise pour la protéger, en la recouvrant le plus souvent d’une plaque de Plexiglas. Vol, destruction, effacement… À dire vrai, le propre de l’art urbain est d’être éphémère. D’où l’importance, dans l’histoire et l’archivage du street art, de la photographie, comme le montre un récent essai consacré au sujet [Bernard Fontaine, L’Écriture de l’ombre, Terrain vague, 25 €].
Mais alors, à quoi bon voler une œuvre de Banksy ? Tout simplement pour la revendre. Voilà donc Banksy pris à son propre piège : difficile, en effet, pour l’artiste de porter plainte pour une œuvre qu’il a réalisée illégalement. Et s’il le faisait, il serait alors contraint de dévoiler son identité, ce qui l’exposerait en retour à la justice et provoquerait l’effondrement de son système fondé sur l’anonymat. Pour les receleurs, le vol peut s’avérer lucratif. Slave Labour, le pochoir démuré en 2013, avait atteint aux enchères 1,2 million de dollars ! Le pochoir dérobé au Bataclan, dont il nous reste aujourd’hui des photographies, ne passera vraisemblablement pas, lui, sur le marché de l’art. Et pour cause : s’agissant d’un hommage aux victimes, le vol s’apparente à la profanation d’un site chargé d’émotion. Mais le marché noir, lui, aura-t-il les mêmes scrupules ?
Vasarely - Vasarely, le retour. Le Centre Pompidou ne lui avait étonnamment jamais organisé de grande exposition. Étonnamment, car des milliers de visiteurs passent chaque jour sous le portrait qu’il a réalisé du président Georges Pompidou pour accéder aux étages du centre… Heureusement, cette négligence est aujourd’hui réparée : avec près de trois cents œuvres, installations, objets et documents d’archives, le Musée national d’art moderne lui organise, vingt-deux ans après sa disparition, sa première grande rétrospective française. Enfin !, pourrait-on dire. Car les musées, comme d’ailleurs le marché de l’art, lui ont, d’une certaine manière, fait payer son succès populaire. L’exposition rappelle, en effet, combien Vasarely était partout, des années 1960 au début des années 1980 : dans l’espace public, sur les vêtements, la vaisselle, les couvertures de magazines et de livres, sur la pochette de l’albumSpace Oddity de David Bowie et les calandres des voitures Renault, à la télévision – diffusée dans l’exposition, l’interview pour l’ORTF du maître par Michel Polnareff est un pur moment d’anthologie… Le plus grand crime de Vasarely était donc d’avoir réussi l’utopie du Bauhaus (faire cohabiter l’art et la vie) et de diffuser à grande échelle ses formes géométriques. Quelle drôle d’idée ! À la même période, outre-Atlantique, un artiste, ni plus ni moins intéressant que Vasarely, était, lui, adulé pour un projet finalement pas si éloigné : Andy Warhol. Loin d’invoquer l’indigestion, le milieu de l’art américain saluait au contraire chez Warhol sa reproductibilité à l’infini. Les États-Unis ont soutenu le roi du pop art, quand la France, elle, s’est lassée du maître de l’op art. « Op » contre « pop ». Warhol (1928-1987) enchaîne aujourd’hui les expositions, les publications et les records en ventes. Vasarely (1906-1997), lui, voit seulement aujourd’hui son nom porté à l’affiche de sa « première grande rétrospective française ».
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Banksy Vasarely
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°721 du 1 mars 2019, avec le titre suivant : Banksy Vasarely