Aux donateurs, les musées reconnaissants

Par Jean-Christophe Castelain · L'ŒIL

Le 27 mai 2008 - 484 mots

« Les caisses de l’État sont vides », disait récemment Nicolas Sarkozy, et la culture n’est pas épargnée par les restrictions budgétaires. Pourtant, l’histoire de la constitution des collections des musées infirme le psittacisme convenu sur le désengagement de l’État.

Certes aujourd’hui, avec un budget annuel d’acquisition de 10 millions d’euros, l’État ne pourrait même pas acheter le Pont de chemin de fer à Argenteuil de Monet, vendu récemment 27 millions d’euros chez Christie’s à New York. Il faudrait pour cela, comme l’enquête annuelle de L’œil et du Journal des Arts le montrera dans leur prochaine édition, mobiliser tout le budget d’acquisition de l’État et des collectivités locales, qui s’élève à 29 millions, en hausse tout de même de 20 % par rapport à l’an dernier. On oublie trop facilement que les collections publiques ont été bâties en très grande partie à l’aide de donations, legs ou dations en paiement. Du musée Fabre avec la donation Alfred Bruyas aux Abattoirs de Toulouse avec la donation Daniel Cordier, en passant par le musée Picasso avec la dation en paiement des droits de succession, les halls de nos musées arborent tous fièrement des plaques de marbre portant les noms de leurs donateurs.
En 2007, les donations dans les collections publiques ont représenté 73 % des nouvelles acquisitions, comme le révèle la 5e édition du Palmarès des musées. C’est dire leur importance. Ainsi, la donation Tériade au musée Matisse du Cateau-Cambrésis pèse à elle seule 42 millions d’euros dans le total de l’enrichissement des collections publiques nationales et locales, qui s’élève à 111 millions d’euros.

Il y a sans doute un tassement de l’argent public pour l’achat d’œuvres d’art, mais cela au fond importe peu dans les faits. Quant aux principes, la réaffirmation dans le rapport Rigaud de l’inaliénabilité des collections publiques – dont on n’entend plus parler – est autrement plus déterminante en ce qu’elle rassure les donateurs sur la pérennité de leurs libéralités. Oui, compte tenu de la flambée du marché de l’art, il est difficile d’acheter des Monet, mais il vaut mieux cajoler les acheteurs privés et les inciter à inscrire leur nom sur le marbre des donateurs.

Enfin, il faudrait aussi que les musées soient plus avisés dans l’identification des futures stars du marché. Ainsi en est-il du mobilier moderniste, avec des créateurs comme Prouvé ou Perriand dont l’envolée des cotes est pilotée par le commerce. C’est ce que met en évidence notre enquête du mois : il y a vingt ou trente ans, ce mobilier à vocation sociale et utilitaire ne valait presque rien. Combien d’institutions en ont profité pour monter une section d’arts décoratifs du xxe ? Très peu. En définitive, découvrir de futures œuvres d’art avant même qu’elles ne soient retenues comme telles par le marché et en faire l’acquisition à bas prix par les institutions est une perspective riche d’avenir pour ceux qui sauront les déceler. C’est aussi une nécessité.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°603 du 1 juin 2008, avec le titre suivant : Aux donateurs, les musées reconnaissants

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