HONG KONG / CHINE
Aller ou ne pas aller à Hong Kong en mars, telle est la question que se posent des galeristes.
Difficile de prédire à cinq mois la situation dans l’ancienne colonie britannique, où Art Basel Hong Kong, forte de six années d’existence, est devenue la plus importante foire d’Asie : 242 exposants (issus de 35 pays) et 88 000 visiteurs en 2019. Mais Business is Business, leur réponse devrait être plus commerciale que politique.
Difficile d’envisager que des marchands puissent afficher leur soutien aux manifestants en annonçant leur retrait d’Art Basel Hong Kong, à moins d’une scandaleuse et dramatique répression meurtrière. Il serait illusoire de croire qu’une telle décision puisse avoir une influence sur Pékin. Le président Xi Jingping se préoccupe du taux de croissance, mais l’unité du pays lui importe plus. Si la foire compte pour le marché de l’art, elle est négligeable pour l’économie. Et quel galeriste occidental, même appartenant au sérail des puissants, oserait défier de plein fouet la Chine, prometteuse de collectionneurs ?
En revanche, une galerie de niveau intermédiaire devra être encore plus précautionneuse : elle devra mettre en balance ses coûts (d’inscription, de transport, de séjour, de réception…) en regard d’une chute du tourisme (notamment des Chinois du continent, principaux acheteurs à la foire), d’une baisse des ventes de produits de luxe et d’un risque de blocage du site par les manifestants. Il lui faudra envisager le moyen terme, être présente même avec la crainte d’un déficit pour investir dans l’avenir, car Hong Kong restera le premier Art Hub en Asie. La troisième place boursière au monde est au même rang international pour les ventes aux enchères de Christie’s et Sotheby’s, et la société organisatrice d’Art Basel, qui se refuse actuellement à reporter ou déplacer l’édition 2020, se fait forte de souligner que les dernières vacations se sont déroulées avec succès.
En juillet, pourtant, alors que les manifestations se succédaient à Hong Kong, Pace Gallery décidait de fermer son implantation à Pékin. « Il est impossible maintenant de faire des affaires sur le continent », constatait l’importante galerie américaine, qui avait été l’une des premières à s’y installer il y a dix ans. L’escalade de la tension commerciale sino-américaine motive notamment sa décision. Mais Pace garde sa succursale à Hong Kong, car l’ensemble de l’île demeure un port franc sans taxe à l’importation.
La crise ne permettra pas à Singapour de prendre le relais : son port franc est limité et une taxe de 7 % frappe les importations, une taxe qui devrait grimper à 9 % en 2021. Du point de vue politique, la cité-État possède certes un gouvernement élu, mais il pratique une démocratie très autoritaire où le débat est restreint et les protestations interdites. Ceux qui s’y risquent sont sévèrement réprimés dans un pays où deux familles parviennent à contrôler l’économie. Singapour est mal placée pour donner des leçons de démocratie à la Chine.
Xi Jingping veut à présent détourner les revendications de la jeunesse hongkongaise, qui subit des loyers exorbitants et ne trouve pas d’emploi à la hauteur de ses qualifications, afin de lui faire prendre comme cible les six familles (les « Tycoons ») qui accaparent une grande part de la richesse, comme dans l’immobilier et la finance. L’objectif : faire muter des requêtes exigeant plus de démocratie en conflit social. Si le président réussissait, il reprendrait la main sur ce groupe de capitalistes, à qui ses prédécesseurs ont selon lui laissé trop de liberté. Ruser, tromper l’adversaire pour mieux le vaincre… Xi Jingping connaît parfaitement le célèbre Art de la guerre de Sun Zi. L’équation se complexifie. Il reste à Art Basel de proposer des conditions commerciales exceptionnellement attractives et d’éditer un Petit manuel du parfait exposant en temps de crise.
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Art Basel Hong Kong, yes or no ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°532 du 1 novembre 2019, avec le titre suivant : Art Basel Hong Kong, yes or no ?