Pour rendre compte de l’actualité de la recherche universitaire, le Journal des Arts ouvre ses colonnes aux jeunes chercheurs en publiant régulièrement des résumés de thèse de doctorat ou de mémoire de master (spécialité histoire de l’art et archéologie, arts plastiques, photographie, esthétique…).
Les étudiants intéressés feront parvenir au journal leur texte d’une longueur maximale de 4 500 caractères (à adresser à Jean-Christophe Castelain, directeur de la rédaction : jchrisc@artclair.com, et Françoise Savatier, secrétaire de rédaction : fsavatier@artclair.com). Nous publions cette quinzaine le texte de Sébastien Delot, qui a soutenu sa thèse à l’université de Rennes-II sous la direction de Jean-Marc Poinsot et Robert Storr (Yale University).
Si la galerie est bel et bien considérée comme un acteur incontournable du marché de l’art, elle reste à ce jour totalement négligée des études menées par les historiens de l’art. On constatera qu’il n’existe aucun ouvrage permettant de retracer la généalogie des galeries françaises ou new-yorkaises, pour la seconde moitié du XXe siècle.
À partir de quelques exemples emblématiques, ce travail de recherche brosse pour la première fois une fresque historique des galeries new-yorkaises, sur près de cinquante ans. Il s’appuie sur des archives inédites (conservées dans des institutions et des collections privées), mais a pu également être réalisé grâce à un travail de terrain minutieux consistant à recueillir des informations auprès des différents protagonistes du monde de l’art : artistes, critiques, galeristes, conservateurs, journalistes, collectionneurs…
En 1941, l’avant-garde européenne en exil s’installe majoritairement à New York, exerçant son influence sur la scène artistique new-yorkaise. C’est précisément à cette époque que les futurs grands acteurs du marché de l’art entrent en scène. Il faudra attendre cependant la décennie suivante pour que les collectionneurs américains manifestent un intérêt croissant pour les artistes de l’école de New York. Lors de cette première phase, les institutions jouent un rôle moteur en lançant une ambitieuse politique de soutien aux artistes américains, notamment par le biais du désormais célèbre, « International Program Exhibition » du MoMA [Museum of Modern Art]. Cet engagement institutionnel rassure et persuade les collectionneurs de s’intéresser aux artistes américains. Les expositions en galerie des ténors de l’école de New York affichent rapidement sold out.
Au cours des années 1960, les conditions économiques favorisent le développement du marché de l’art, qui se traduit par l’ouverture d’un grand nombre de galeries. Ce sont précisément ces galeries qui vont être amenées à jouer un rôle déterminant dans la diffusion de l’art américain. On citera l’exemple de la galerie Leo Castelli qui occupe, au cours des années 1960, une place centrale dans un marché en voie d’internationalisation par la mise en œuvre d’un réseau d’alliances aux États-Unis et en Europe. Avec l’ouverture récente des archives de la galerie Castelli, on peut mesurer le rôle de premier plan que joue la galerie Sonnabend dans la promotion des artistes américains.
Inverser le sens du marché de l’art entre l’Europe et les États-Unis
L’axe Castelli-Sonnabend devient, dans la première moitié des années 1960, le principal point de passage de l’avant-garde américaine en Europe. Au fil d’une correspondance inédite, Ileana Sonnabend se révèle être une excellente stratège et fine analyste qui sait utiliser et manipuler les forces en présence pour faire avancer ses pions. Ainsi, comprenant très vite la teneur des intrigues (notamment le rôle du critique d’art Pierre Restany) visant à limiter la reconnaissance des artistes américains en Europe, elle devient leur ambassadrice. C’est grâce aux artistes du Pop Art qu’elle représente en Europe qu’Ileana Sonnabend va contribuer à inverser le sens du marché de l’art entre l’Europe et les États-Unis. Ainsi, la galerie participe à la construction du marché américain en Europe au cours des années 1960-1970 et développera le marché européen aux États-Unis au cours des années 1970-1980.
Parallèlement, d’autres types de galeries apparaissent en marge des modèles dominants. Tel est le cas de l’anti-galerie de Seth Siegelaub, qui, en promouvant les artistes de l’art conceptuel, réinvente son rôle de galeriste. Au fur et à mesure que le marché de l’art contemporain américain se développe, le second marché prend de plus en plus d’importance. Certaines galeries réorientent leur activité afin de promouvoir des artistes historiques pour les propulser au rang de stars. Cette analyse de l’évolution du marché de l’art contemporain américain n’est pas uniquement centrée sur le marché en tant que tel mais replace plutôt la galerie au cœur de ses multiples enjeux, notamment politiques et sociaux.
Au-delà des pressions exercées par le marché, les galeries se révèlent être de puissants instruments culturels. Ce travail pionnier de recherche permet de mesurer l’importance de cette histoire encore largement méconnue.
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Actualité de la recherche : Les galeries d’art contemporain à New York de 1941 à 1993
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°361 du 20 janvier 2012, avec le titre suivant : Actualité de la recherche : Les galeries d’art contemporain à New York de 1941 à 1993