Alors qu’à Strasbourg s’ouvre la passionnante exposition consacrée à l’iconoclasme, il convient de revenir sur l’un des épisodes les plus récents de cette sale guerre des images : la destruction par les talibans des statues géantes de Bamiyan le 11 mars.
Un acte de vandalisme qui coïncide, rappelons-le, avec les terribles scènes de violence à l’encontre des femmes afghanes.
Qu’elle relève de guerres de religion ou d’une dictature de la pensée, qu’elle ait lieu à Constantinople au VIIIe siècle, en Alsace à la Renaissance ou dans la Chine de Mao, cette volonté de saccage est récurrente et ne semble vouloir tirer aucune leçon des exemples précédents. Elle peut se prévaloir de l’un des dix commandements interdisant toute fabrication d’« images taillées ». Dans le contexte islamique, elle peut se souvenir du commentaire du Prophète proscrivant la représentation de Dieu. Elle peut obéir à la volonté d’un chef, ordonnant la disparition de toute figure de l’un de ses opposants ou plus globalement de toute image culturelle. Ainsi la fatwa lancée par le mollah Omar contre les statues bouddhiques de Bamiyan a débuté en août dernier lors d’une visite du Musée de Kaboul, brièvement réouvert. Certains religieux s’étaient offusqués d’y voir des sculptures de Bouddha exposées, puis avaient affirmé qu’elles devaient être détruites car les talibans ne pouvaient protéger des statues non islamiques. Le musée fut ensuite pillé, certaines œuvres vendues. Puis vint le geste iconoclaste et définitif de Bamiyan. Les deux géants sculptés à même la falaise de grès il y a plus de 1500 ans avaient déjà subi de nombreux assauts assassins. Le plus grand d’entre eux, haut de 55 mètres, avait été endommagé par le temps. Fendu horizontalement, son visage ne laissait plus deviner que la bouche et le menton. Seul élément décoratif évoquant l’art du Gandhara, le drapé de son vêtement se souvenait d’antiques modèles grecs. Mieux conservé, le second Bouddha avait perdu la tête lors de l’agression d’un commandant taliban en 1998. Quant aux grottes situées au pied de la falaise, elles avaient été désertées depuis longtemps par les moines et converties en dépôts d’armes et de munitions. Depuis longtemps, ces exactions contre ce patrimoine culturel unique était connu. Nous nous étions émus il y a deux ans lors de la publication d’un article sur l’art gréco-bouddhique du sort de ces sentinelles de la paix postées sur la Route de la soie. Bien peu a été fait avant les événements de mars. L’indignation de l’Occident et du secrétaire des Nations unies est demeurée au stade de la parole. Décidément, Bamiyan ne restera qu’un épisode supplémentaire dans la longue querelle iconoclaste.
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Iconoclasme au temps présent
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°526 du 1 mai 2001, avec le titre suivant : Iconoclasme au temps présent