Le style Charb

Stéphane Charbonnier, alias Charb, n’avait pourtant rien de la figure du héros, ou alors d’un héros très ordinaire, visage d’éternel étudiant mal rasé, lunettes sur le nez. Sa déclaration au Monde en 2012 marquera à coup sûr une époque en mal de repères : « C’est peut-être un peu pompeux ce que je vais dire, mais je préfère mourir debout que vivre à genoux. » Cela pouvait paraître pompeux en effet, jusqu’à ce qu’il soit exécuté, à Paris, feutre à la main. Il savait ses jours en danger, victime d’une fatwa dont il avait en septembre tiré le second tome de son Petit traité d’intolérance, proclamant à son tour la mise à mort des truffes, des surfeurs, de Brassens… L’humour et la dérision, toujours, pour débusquer le grotesque imposé par les « milices du bonheur obligatoire » ; pour dénoncer aussi tous ceux qui voulaient lui imposer leurs vues. « Amen ». Reproduit en grand dans l’expo « Celemania », au Frac Pays de la Loire jusqu’au 1er février, l’un de ses dessins, qu’il avait généreusement envoyé à l’artiste Jorge Satorre, le montre avec sa pelle creusant le sol. Un tunnel ? Plutôt sa propre tombe, comme l’indique le crâne esquissé dans un trait épais si caractéristique de Charb. Car Charb, c’était des idées et un humour corrosif, mais aussi un style et des personnages uniques faits de yeux globuleux et de teints jaunâtres, symptômes d’un monde malade. Mourir pour des idées, d’accord ? Non, M. Brassens, pas cette fois.