Dans leur galerie du Marais, Anne et Jean-Claude Lahumière, spécialistes de l’art construit, fêtent cinquante ans d’un engagement sans faille.
Diane, la fille aînée des deux galeristes, ouvre le bal : « Par quoi commencer ? Ah oui : il était une fois une jeune et jolie Allemande de Brême qui, venue en France pour apprendre le français, rencontra un beau et grand jeune homme devant Le Penseur de Rodin… » Il était une fois donc, deux jeunes gens qui décidèrent d’ouvrir leur propre galerie à Paris. C’était en 1963 et cela fait cinquante ans cette année que la galerie existe, d’abord dans le 8e arrondissement, puis dans le 17e avant de s’installer, en 1995, dans le Marais, leur quartier préféré. Épaulés par leur fidèle collaborateur, Patrice Blanc, et par leur fille Diane, qui rejoint l’équipe en 1985, Anne et Jean-Claude Lahumière peuvent s’enorgueillir de fêter les noces d’or de la galerie. Une véritable histoire de famille, d’autant plus que leur fils Frédéric, créateur de luminaires, collabore également avec eux. Un demi-siècle d’existence, ce n’est pas rien, surtout quand on sait à quel point « ce métier de “fou” – le mot est de Diane – comporte des risques : il faut résister aux intempéries économiques et aux mouvements de mode ». Les Lahumière ont résisté, et résistent toujours…
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En 1967, visionnaires et pragmatiques, Anne et Jean-Claude Lahumière créent les éditions à leur nom. « Nous nous sommes rendu compte qu’il fallait diffuser l’art à l’étranger », explique la galeriste. Après s’être un temps intéressé à la Figuration narrative, le couple se crée une identité forte en se spécialisant, à partir de 1981-1982, dans l’Abstraction géométrique. Les années 1980 marquent un autre tournant décisif : la fin des éditions et la multiplication des expositions en galerie. Et, depuis 1963, le bilan des Lahumière est impressionnant, avec plus de trois cents expositions dénombrées. S’appuyant sur une ligne directrice forte, les galeristes proposent des œuvres qui s’articulent autour d’une fidélité aux tendances géométriques de l’abstraction. « Cet art géométrique traverse le temps, s’enthousiasme Anne Lahumière. Il a eu une influence énorme sur l’architecture, le design, la mise en page des revues. Et chaque artiste est différent. Certains, qui n’y connaissent rien, parlent de cubes : c’est absurde ! Herbin et Vasarely, c’est différent ! Et, chez Vasarely comme pour Picasso, il y a plusieurs périodes. » Pour ses cinquante printemps, la galerie Lahumière présente d’ailleurs une exposition-somme réunissant aussi bien des vétérans comme Dewasne, Herbin et Magnelli que des confirmés (« l’ami » Bauduin) et des plus jeunes comme Antoine Perrot et Nathalie Delasalle.
Gottfried Honegger, plasticien à l’origine de l’Espace de l’art concret de Mouans-Sartoux avec lequel la Galerie Lahumière collabore, écrit dans le catalogue des 50 ans : cet anniversaire « démontre que les époux Lahumière ont accompli un travail de culture dans le vignoble de l’art ». Un vin au goût parfois amer, car comment expliquer que la Galerie Lahumière, qui a participé à la naissance des grandes foires internationales (la Fiac, Bâle et Cologne), soit depuis quelque temps évincée de la Fiac ? « Le phénomène “marché” a pris le dessus sur l’art. On cherche une rentabilité immédiate. Ce n’est pas normal que notre galerie – mais nous pouvons aussi citer Claude Bernard ou Jean Fournier – n’y soit plus. On ne fait plus la différence entre un galeriste créatif qui fait un travail de fond et un autre qui bâtit un programme opportuniste pour vendre », note Jean-Claude Lahumière. À la vue des œuvres puissantes qui resplendissent actuellement dans sa galerie, on ne peut que lui donner raison.
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1963, et Lahumière fut !
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Abonnez-vous dès 1 €jusqu’au 21 décembre 2013. Galerie Lahumière, 17, rue du Parc-Royal, Paris-3e. Ouverte du mardi au vendredi de 10 h à 13 h et de 14 h à 18 h 30, le samedi de 11 h à 13 h et de 14 h à 18 h. Entrée libre. www.lahumiere.com
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°663 du 1 décembre 2013, avec le titre suivant : 1963, et Lahumière fut !