Sur les tableaux, ses deux tours en terrasse rendent sa silhouette immédiatement reconnaissable. Notre-Dame de Paris s’invite dans l’histoire de l’art, du Moyen Âge à nos jours.
Il faut dire qu’elle est, depuis l’époque médiévale, le symbole de Paris, de la chrétienté et du royaume de France. Au fil des siècles, elle est décor ou témoin des événements qui ont marqué l’Histoire de France. Mais si elle est d’abord dans la peinture un motif et un symbole, elle devient peu à peu sujet principal des œuvres, au point de leur donner son nom, comme elle le donna, aussi et surtout, en 1831, au chef-d’œuvre littéraire de Victor Hugo, dont elle est devenue indissociable. Tout au long de l’histoire de l’art, on observe Paris et la société évoluer, comme on voit la cathédrale elle aussi se métamorphoser, surplomber un parvis agrandi ou se flanquer d’une flèche. Mais surtout, d’une œuvre à l’autre, on voit la cathédrale dont l’incendie avait bouleversé le monde entier porter en elle nos espérances, nos combats, nos douleurs et nos rêves.
Claude Monet avait peint la cathédrale de Rouen comme une falaise de pierre, sans présence humaine. Presque dix ans plus tard, depuis son atelier du 19, quai Saint-Michel, Maximilien Luce représente Notre-Dame de Paris dominant un parvis élargi par les travaux de transformation de la capitale par le baron Haussmann. Cela lui permet de la peupler de passants affairés. Mais c’est bien la cathédrale, lumineuse, peinte de fines touches d’orangé, de rouge, de rose et d’ombres bleutées qui est le sujet de la toile.
Au premier plan, sur la rive gauche de la Seine, des fidèles en prière. Au loin, les tours de Notre-Dame de Paris dominent l’île de la Cité. Une main d’or et de lumière, celle de Dieu, semble fendre le ciel comme une onde, répondant à la prière des fidèles. C’est elle qui chasse les démons qui fuient loin de la cathédrale. Cette représentation est l’une des 47 enluminures conservées du Livre d’heures d’Étienne Chevalier, composé entre 1452 et 1460 par Jean Fouquet, l’un des plus célèbres enlumineurs du XVe siècle.
La nef de la cathédrale est devenue une galerie de la grande peinture sacrée française ! Entre 1630 et 1708, les orfèvres parisiens offrent chaque année de grands tableaux religieux, les Mays – qui ont d’ailleurs été restaurés à l’occasion du chantier consécutif à l’incendie de la cathédrale [lire p. 32]. « Notre-Dame est, à la veille de la Révolution, un lieu de déambulation élégante, où le culte est relégué derrière la clôture du chœur », observe l’essayiste spécialiste du patrimoine Maryvonne de Saint-Pulgent dans son Notre-Dame vue par les peintres (éditions des Falaises, 2024).
Après la publication de Notre-Dame de Paris par Victor Hugo en 1831, le monument devient indissociable du roman dans l’imaginaire collectif. Cette toile du peintre académique William Bouguereau en témoigne. Même si la figure de la bohémienne, symbole de liberté, habite au XIXe siècle la création artistique depuis l’époque romantique, chez Prosper Mérimée, Georges Bizet, Franz Liszt, ou Édouard Manet, il est impossible de regarder cette bohémienne posant devant la cathédrale, sans penser au chef-d’œuvre de Victor Hugo.
La cathédrale, réalisée dans un camaïeu de gris et de blancs évoquant Diego Velázquez et Édouard Manet, rehaussée de quelques touches de rouge, d’or ou de bleu qui semblent l’illuminer de l’intérieur, se détache sur un ciel bleu nuit, apparemment peint d’un seul geste. Exécutée à l’automne 1954 (ou en 1955), cette peinture qui semble représenter aussi une cathédrale intérieure imaginaire est l’une des dernières de Nicolas de Staël, qui se suicide peu de temps après en se jetant par la fenêtre de sa villa à Antibes.
Quelle mise en scène ! Pour le sacre de l’Empereur Napoléon Ier, le style gothique de Notre-Dame de Paris, jugé quelque peu suranné, a été masqué par un décor de placage qui la transforme en temple antique. Du carton imitant le marbre dissimule la pierre, des rideaux et des tentures aux abeilles d’or habillent murs et piliers, un voile occulte la voûte de la cathédrale. La Pietà de Nicolas Coustou surplombe le nouveau maître-autel de la cathédrale, semblant bénir ce nouveau « César » et son épouse, l’Impératrice Joséphine.
Inspirée par la révolution des Trois Glorieuses en 1830, cette scène de barricades est devenue le symbole du triomphe de la Liberté. Derrière le petit Gavroche semblant sortir tout droit des Misérables de Victor Hugo (1862) et la fumée des combats, on distingue la cathédrale. « Quand Delacroix eut vu flotter sur Notre-Dame le drapeau aux trois couleurs, […] il n’y tint plus : l’enthousiasme prit la place de la peur, et il glorifia ce peuple qui, d’abord, l’avait effrayé », a raconté Alexandre Dumas.
Détruite par l’incendie de 2019, la flèche dessinée par l’architecte Eugène Viollet-le-Duc en 1857 est le sujet principal de la peinture vertigineuse de Robert Delaunay. Sa monumentalité bouleverse le regard des artistes sur Notre-Dame. Entre 1909 et 1910, passionné par la conquête de l’air et les exploits de l’aviateur Louis Blériot, Delaunay consacre une série de peintures à cette flèche, qui semble vue du ciel.
Après avoir représenté plusieurs fois Notre-Dame en 1945, comme pour célébrer la Libération de Paris, Pablo Picasso la peint de nouveau en 1954, parant la cathédrale de tons jaunes, roses et bleus. Le peintre andalou s’est installé en 1937 dans le voisinage de la cathédrale, au 7, rue des Augustins, que Brassaï décrit comme un « grenier », auquel on accède « par un étroit escalier en colimaçon dont les marches usées, boiteuses, et l’obscurité rappellent celui de la tour de Notre-Dame ».
Sur un fond doré, sont collés des objets trouvés et des jouets qui esquissent la cathédrale dont les tours et la partie basse sont entachées de noir. De même que Victor Hugo, dans Notre-Dame de Paris, mettait en lumière les souffrances des exclus comme Quasimodo et Esmeralda, Niki de Saint Phalle, qui s’est rendue célèbre l’année précédente par ses tableaux « Tirs », explore à travers cette Notre-Dame de Paris les dysfonctionnements sociaux de son époque, notamment l’oppression des femmes et les conflits de pouvoir.
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Notre-Dame des artistes
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°781 du 1 décembre 2024, avec le titre suivant : Notre-Dame des artistes