La cathédrale la plus célèbre du monde rouvre au public. Entre constructions, destructions et transformations, une nouvelle page d’une riche histoire patrimoniale et artistique de plus de 800 ans s’écrit sous nos yeux.
Le 24 mars 1163, le pape Alexandre III aurait, dit-on, posé la première pierre de l’édifice. En réalité, rien n’atteste de la véracité de la scène, et toujours est-il que la cathédrale a déjà derrière elle un bien long passé. Plusieurs édifices religieux se sont, en effet, succédé à cet emplacement depuis le IVe siècle. Mais le chantier de la nouvelle cathédrale gothique, lancé par l’évêque Maurice de Sully vers 1160, est sans commune mesure. L’église doit impressionner par ses dimensions et sa beauté. « Pour cette œuvre, si l’on parvient à l’achever, il n’y en aura pas d’autres, à vrai dire, en deçà des monts, qui puissent lui être comparées », s’émerveillait alors Robert de Torigni, abbé du Mont-Saint-Michel (vers 1110-1186). Impressionnant, l’édifice l’est assurément : la cathédrale mesure alors 127 mètres de long, 40 mètres de large et peut accueillir jusqu’à 7 000 fidèles. Et surtout, elle marque les esprits du haut de ses 33 mètres sous voûtes. Une prouesse architecturale. Sa construction, aussi ambitieuse que dispendieuse, se serait déroulée sur plus de 80 ans, tout du moins dans les grandes lignes. Car si les cloches retentissent dans les beffrois dès 1245, le bâtiment reste ensuite en chantier jusqu’au XIVe siècle.
Dès la fin du Moyen Âge, la cathédrale s’impose peu à peu comme l’un des lieux de dévotion privilégiés des rois de France. C’est au XVIIIe siècle que s’opèrent les plus grandes transformations : à la fin du règne de Louis XIV, son chœur est entièrement rénové et décoré dans le style baroque de l’époque. Son atmosphère change du tout au tout lorsque les chanoines, jugeant l’église trop sombre, décident d’en blanchir les murs et de remplacer la plupart de ses vitraux médiévaux par du verre blanc. Puis vient le temps de la Révolution, durant laquelle la cathédrale n’est pas épargnée. Nombre de ses cloches sont fondues, son trésor éparpillé, ses statues des rois de Judée détruites et plusieurs de ses œuvres pillées ou déposées dans l’ancien couvent des Petits-Augustins [lire p. 76]. C’est sous Napoléon que Notre-Dame retrouve, un instant, un peu de son éclat en accueillant le sacre de l’empereur. Mais l’édifice reste dans un état de délabrement critique, et ce jusqu’à ce qu’une mobilisation nationale pour sa sauvegarde soit lancée par des poètes et romanciers, avec Victor Hugo en figure de proue. L’architecte Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879) assure dès lors la direction d’un ambitieux chantier, qui dure plus de vingt ans. Une restauration controversée puisqu’il prend de nombreuses libertés, en intégrant notamment une toute nouvelle flèche bien plus grande (qui remplace celle démontée à la fin du XVIIIe siècle), mais qui fait aussi de Notre-Dame le chef-d’œuvre que l’on connaît aujourd’hui.
Le 15 avril 2019 marque un bien triste tournant dans l’histoire de Notre-Dame. Alors que la cathédrale était en restauration depuis plusieurs mois, un incendie se déclare vers 18 heures 50 au niveau des combles, avant de prendre de l’ampleur et rapidement gagner l’ensemble du toit. Des centaines de pompiers sont dépêchés pour étouffer les flammes, qui dévorent la charpente à une vitesse alarmante. En une heure seulement, l’imposante flèche de l’édifice s’effondre, provoquant l’écroulement de la voûte de la croisée du transept et l’ensevelissement d’une partie de la nef sous les décombres. Le lendemain matin, lorsque le feu se meurt enfin, l’ampleur des dégâts se révèle au grand jour : la cathédrale est désormais à ciel ouvert. Fort heureusement, l’édifice a malgré tout conservé son intégrité structurelle. Les flammes ont épargné les deux beffrois, symboles de Notre-Dame, mais aussi le grand orgue, les roses médiévales et les reliques les plus précieuses (dont la couronne d’épines). C’est une ville sous le choc qui accuse le coup. Un drame national qui dépasse les frontières, en faisant la une des journaux du monde entier. Appels et promesses de dons se multiplient aussitôt avec, en ligne de mire, un défi : la reconstruction de la cathédrale en cinq ans.
Dès le lendemain de l’incendie, un chantier titanesque est lancé. Place d’abord à une longue phase de sécurisation, pour éviter l’écroulement de la structure. Puis en 2021, débutent les travaux de reconstruction. Plusieurs centaines de professionnels, architectes et artisans d’art apportent leur savoir-faire, tandis que l’intérieur de la cathédrale est nettoyé et restauré. Les charpentes de la nef et du chœur sont reconstruites à l’identique, tout comme l’emblématique flèche qui culmine à nouveau dans le ciel de Paris dès décembre 2023. Quelques mois plus tard, la cathédrale retrouve l’intégralité de ses voûtes. Alors que le projet controversé d’installer des vitraux contemporains suit son cours [lire p. 36], le chantier touche aujourd’hui à sa fin. En septembre dernier, les huit cloches du beffroi nord, restaurées, ont été réinstallées et retentiront pour la réouverture officielle de la cathédrale, prévue le 8 décembre. Ce qui ne signe pas la fin des travaux pour autant : les abords de Notre-Dame vont être réaménagés à partir de 2025, pour transformer le parvis en écrin de verdure.
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Notre-Dame de Paris renaît de ses cendres
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°781 du 1 décembre 2024, avec le titre suivant : Notre-Dame de Paris renaît de ses cendres