Église

Mobilier liturgique, une sobriété intemporelle

Par Mathieu Oui · L'ŒIL

Le 26 novembre 2024 - 876 mots

Pour les éléments du mobilier et l’aménagement intérieur de Notre-Dame de Paris, les designers ont travaillé à la recherche de formes harmonieuses et en dialogue avec l’architecture de la cathédrale.

Alors que Notre-Dame est refaite à l’identique, c’est à travers le mobilier et l’aménagement intérieur – mais aussi avec les vitraux – que la création contemporaine fait son entrée dans le monument. Une présence discrète et en harmonie avec le patrimoine. De Guillaume Bardet choisi pour le mobilier liturgique, à Ionna Vautrin qui signe les assises, en passant par Sylvain Dubuisson pour le reliquaire de la couronne d’épines, les designers sélectionnés après consultation artistique témoignent combien cette architecture a nourri leur création. Quand il visite l’édifice en janvier 2023, le designer et sculpteur Guillaume Bardet est stupéfait par la beauté de la pierre, l’aspect très lumineux des premiers murs nettoyés. Devant cette minéralité puissante, il comprend instinctivement qu’il n’est pas question de rajouter de la pierre dans le mobilier liturgique. Le bronze, son matériau de prédilection, pourra exister calmement, « sans hurler ». Guillaume Bardet a réalisé l’autel, la cathèdre (le siège de l’évêque) et les sièges associés, l’ambon (le pupitre sur lequel repose la Bible), le tabernacle (le meuble dans lequel sont conservées les hosties consacrées) et le baptistère. On lui doit aussi un ensemble de vases liturgiques en or et argent.

Sobriété et recherche de l’immuable

Établi à Dieulefit dans la Drôme, le designer a travaillé avec l’atelier Barthélémy Art situé à Crest, à une trentaine de kilomètres, pour la fonte des pièces. Véritable « soleil liquide », le métal fondu à 1 180 degrés est coulé dans des moules en plâtre. Refroidies puis retirées des moules, les pièces sont ensuite nettoyées par ponçage et sablage. Des stries, traces du dessin initial, sont encore visibles à travers la patine. Chaque élément, à l’exemple du baptistère, a nécessité des centaines d’heures de finition. Son couvercle, qui semble comme une surface d’eau d’où émerge la croix, est en bronze poli miroir. Guillaume Bardet explique que ses objets sont bien sûr destinés aux fidèles, mais qu’ils doivent aussi être appréciés par des millions de visiteurs non chrétiens. Le public doit comprendre qu’ils « parlent de croyance et qu’ils sont reliés entre eux ». Enfin, la sobriété de leurs lignes s’explique par la « recherche de l’immuable » : ces œuvres sont appelées à traverser les époques, sans se démoder.

Pour le dessin de la chaise en chêne massif produite à 1 500 exemplaires, la designer Ionna Vautrin a aussi puisé son inspiration dans le monument. Les fins barreaux du dossier font écho aux colonnes, voûtes et colonnettes, et à leur rythme musical. La créatrice a dû prendre en compte certaines contraintes : les chaises devaient être robustes, mais aussi pouvoir s’empiler et s’attacher entre elles pour créer des alignements : des accroches en laiton sont prévues à cet effet. L’ensemble des assises (chaises, agenouilloirs, bancs, prie-Dieu) a été produit par la chaiserie Bosc, une entreprise familiale établie dans les Landes et labellisée par l’État au titre du patrimoine vivant (label EPV).

L’écrin de la couronne d’épines

Dans un parcours entièrement repensé, la cathédrale dispose d’un nouvel espace d’accueil et d’une boutique habillés de formes spiralées en métal imaginées par l’Agence NC (Nathalie Crinière). Au fond de Notre-Dame, dans la chapelle axiale, la couronne d’épines du Christ ramenée de Constantinople par Saint-Louis en 1239 bénéficie d’un nouvel écrin. Ce reliquaire vertical de l’architecte et designer Sylvain Dubuisson emprunte à la tradition de l’iconostase. D’une belle hauteur (3,60 mètres), ce retable en cèdre – le même bois que celui de la relique de la croix – est orné d’épines de bronze insérées dans des encoches de plus en plus larges. Entourant une demi-sphère au bleu profond dans laquelle repose la couronne, douze cercles de cabochons quadrangulaires en verre à fond d’or irradient le motif de la croix à la manière d’une auréole. La base du reliquaire, en marbre blanc, dissimule un coffre-fort où sera entreposée la relique quand elle ne sera pas exposée. Les ateliers Saint-Jacques & Fonderie de Coubertin ont été mobilisés pour le travail du bois, de la fonderie, de la pierre et du métal, le maître verrier Olivier Juteau a réalisé des cabochons en verre. Nul doute que le reliquaire constituera un autre temps fort de la redécouverte de Notre-Dame.

Un vestiaire illuminé 


Il avait déjà dessiné les tenues du pape Jean-Paul II pour les Journées mondiales de la jeunesse en 1997. Jean-Charles de Castelbajac signe les vêtements liturgiques de la réouverture de la cathédrale. Les chasubles blanches parsemées de touches bleues, rouges, vertes et jaunes ont été inspirées par la vision des reflets des vitraux de Notre-Dame sur la pierre blonde. Sur celle de l’évêque, une croix dorée est entourée d’éclats de couleurs dans une forme arrondie, une référence à la couronne d’épines du Christ. Les autres évêques porteront un modèle doté d’une croix dorée encadrée de douze croix grecques symbolisant les douze apôtres. Pour les prêtres, la croix illuminée de couleur est encore déclinée, évocation de la diffusion du foyer lumineux. Les 700 chapes, mitres, étoles, chasubles et dalmatiques (tuniques longues) des cérémonies de réouverture seront utilisées durant la période inaugurale (jusqu’à la Pentecôte, le 8 juin 2025), lors des grandes fêtes liturgiques (Noël, Pâques, Ascension…) et pour les ordinations sacerdotales.

Mathieu Oui

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°781 du 1 décembre 2024, avec le titre suivant : Mobilier liturgique, une sobriété intemporelle

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