Présenté en mai dernier à Cannes, ce documentaire raconte la vie et l’œuvre du plasticien allemand Anselm Kiefer.
Wim Wenders a été l’un des premiers metteurs en scène à croire que la 3D pouvait intéresser le cinéma d’art et d’essai. Dès 2011, Pina, son documentaire sur Pina Bausch, présentait en relief des corps et des visages incroyablement présents au regard. Wenders avait aussi compris le grand danger de ce procédé : l’exagération. Issu du monde forain, au bon vieux temps des lunettes en carton, le cinéma en relief s’est surtout vendu comme un tour de prestidigitation hollywoodien, où l’écran faisait pleuvoir toutes sortes d’objets (souvent contondants) sur les rétines épuisées des spectateurs. Cette dimension spectaculaire l’a emporté sur la vision artistique de Wenders. Aujourd’hui, il reste le dernier auteur à continuer de s’intéresser à ce procédé. Anselm, son nouveau documentaire, se voit donc derrière une paire de lunettes.
Le réalisateur allemand connaît Anselm Kiefer depuis une trentaine d’années. Son filmretrace à la fois la vie et la carrière de l’artiste, son travail au présent et l’histoire de sa génération. Wenders suit Kiefer dans son travail et revient à travers des archives sur la reconstruction après la Seconde Guerre mondiale et les questions laissées en chantier. L’écran témoigne de l’échelle gigantesque de ses ateliers, de véritables usines, que l’artiste, minuscule parmi ses œuvres, traverse à bicyclette. Ces monuments répondent aux images de ruines, tout aussi spectaculaires, qu’exhument les archives.
Le documentaire s’ouvre et se referme sur des sculptures. On peut lire dans ce choix l’idée que le cinéma traditionnel s’apparenterait à la peinture, tandis que l’image 3D le rapprocherait de la sculpture. Il existe néanmoins en peinture des méthodes de relief éprouvées. La perspective existe depuis l’art florentin des années 1420, et l’histoire des représentations est scandée de trompe-l’œil. Néanmoins, dans ses recherches sur la 3D depuis Pina, Wenders s’est surtout inspiré du peintre américain Andrew Wyeth (1917-2009). Une toile l’obsède particulièrement : Wind from the Sea (1947). Depuis l’intérieur d’une maison, on y voit un voilage soulevé par le vent – la mer n’est pas visible. Instant volatile du quotidien, Wind from the Sea est très éloigné des œuvres massives d’Anselm Kiefer. Wyeth ne peint là que le portrait d’un souffle. Or, Wim Wenders, dans la 3D, ne cherche pas autre chose : donner du volume aux corps et aux objets, mais surtout travailler cette énergie qui les entoure. Le relief serait surtout, chez lui, une merveilleuse façon de sculpter l’invisible.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Un portrait d’artiste en relief
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°768 du 1 octobre 2023, avec le titre suivant : Un portrait d’artiste en relief