Elles s’appellent Lee (Miller), Frida (Kahlo), Marcelle, Carmen et Jeanne, ou encore Détélina. Quand l’art s’invite dans les romans de la rentrée littéraire, c’est au féminin.
L’an dernier déjà, le magnifique livre de Jérôme Ferrari, À son image,était construit autour du personnage d’une jeune photographe, Antonia, et celui de Serge Filippini, J’aimerai André Breton [Phébus], avait pour héroïne une dénommée Chance, dernière maîtresse (fictive) de l’auteur de Nadja avant sa mort. Ces héroïnes n’évincent pas les hommes. Elles les côtoient, et se construisent, souvent, dans l’ombre, avant d’en faire surgir la lumière. Ainsi, le premier roman de Josselin Guillois, Louvre [Seuil], met en scène le captivant déménagement des collections du Louvre, orchestré par le directeur du musée, Jacques Jaujard, au moment où la France, en septembre 1939, entre en guerre contre l’Allemagne. La parole est donnée à trois femmes – son épouse, qui désire un enfant de lui, sa filleule, qui entre dans l’adolescence, une ancienne maîtresse dont l’amour ne parvient pas à s’éteindre –, qui racontent le déménagement de La Joconde et de la Victoire de Samothrace, l’arrivée des chefs-d’œuvre à Chambord, les galeries vides du Louvre… Simples témoins de l’Histoire ? Pas tout à fait. Leurs désirs, leur attente donnent vie à cette page obscure de la guerre. Car sans doute faut-il plonger dans les ténèbres pour que jaillisse un rayon. Dans son premier roman, L’Âge de la lumière [l’Observatoire], l’Américaine Whitney Scharer évoque Lee Miller, photographe qui fit ses armes dans l’ombre de Man Ray. Dans l’obscurité de la chambre noire où ils développaient leurs clichés, par hasard, la jeune photographe découvrit la technique de la solarisation (qui produit une inversion partielle du noir et blanc, avec un trait noir soulignant les formes), dont Man Ray revendiquera l’invention. Avec sensibilité, Whitney Scharer révèle par sa plume la force de cette artiste longtemps méconnue, à travers laquelle elle ressuscite le Paris de la bohème aussi bien que l’Europe déchirée par la Seconde Guerre mondiale. À côté d’elle, le génie égocentrique Man Ray ferait presque pâle figure… comme solarisé ! Quant à la romancière française Claire Berest, elle peint dans Rien n’est noir [Stock] la vie douloureuse et brûlante de Frida Kahlo, épouse du célèbre Diego Rivera, donnant à chacun de ses chapitres le nom d’une couleur : rouge mazarin, jaune de lune… Rien n’est noir, pas même les cendres lumineuses de Frida. De même, le roman de Franck Pavloff, Par les soirs bleus d’été [Albin Michel], s’ouvre sur l’obscurité des mines, qui fascinent son héroïne Détélina, étrange artiste, mère d’un enfant « hors du commun » qui s’exprime par des compositions de couleurs. Il s’achève dans une lumière où même les sons deviennent « arc-en-ciel ».
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Rentrée littéraire
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°726 du 1 septembre 2019, avec le titre suivant : Rentrée littéraire