Dans The Rape of Europa – Le viol de l’Europe – Lynn Nicholas fait la chronique détaillée de la façon dont les Nazis achetèrent, vendirent, collectionnèrent, interdirent, détruisirent et exploitèrent les œuvres d’art.
En parallèle, elle étudie le commerce de l’art pendant la guerre où les marchés français et hollandais étaient florissants. Enfin, elle retrace les efforts déployés par tous ceux qui tentèrent d’empêcher certaines œuvres de tomber aux mains des Nazis. L’auteur aborde l’ouvrage par la description des origines de la politique culturelle hitlérienne. En 1936, les Nazis collectionnèrent les œuvres germaniques, tout en condamnant l’art "dégénéré" et en brûlant souvent des tableaux, ou en les utilisant comme monnaie d’échange, au plus grand profit des marchands de la Suisse neutre.
Derrière l’ordre affiché régnait cependant une corruption généralisée : tout s’achetait, dans le domaine de l’art plus qu’ailleurs, une aubaine pour de riches marchands et collectionneurs, parmi lesquels des Juifs. Avec l’expansion du Troisième Reich, les pays conquis subissent saccages et pillages. En Autriche, l’Anschluss annule les lois nationales interdisant la vente d’œuvres d’art à l’étranger. En Pologne, les envahisseurs dévastent et brûlent, ou bien pillent ; le pays perd des tableaux, des sculptures, des tapisseries, des objets décoratifs tandis que les Nazis mettent le feu à toutes les synagogues en bois.
L’U.R.S.S. subit un traitement encore plus dévastateur puisque, pendant l’invasion comme pendant la retraite, les troupes allemandes pratiquèrent la politique de la terre brûlée, pillant les palais, détruisant les monuments et volant les œuvres d’art. La situation se présente différemment en France et en Hollande, où il y avait beaucoup d’œuvres sur le marché ; la surenchère entre acheteurs allemands provoqua d’ailleurs une flambée des prix.
Le chapitre le plus long de l’ouvrage est consacré à la contre-offensive des Américains et des Britanniques, pour récupérer les milliers d’objets volés par les Nazis. Le destin de beaucoup d’œuvres disparues reste inconnu. Ainsi les milliers de dessins de la collection du Musée de Brême ont été dispersés en Allemagne et en Union Soviétique. Quelques dessins passaient depuis l’U.R.S.S., et il est arrivé au Musée de Brême de payer des "rançons" à des banques suisses pour récupérer certaines œuvres.
On a découvert en janvier, dans une vente Sotheby’s, un panneau de Gabriel Metsu, la Jeune fille lavant des vêtements, daté de 1660, appartenant à la collection du palais Lazienski de Varsovie saisie par les Nazis. Sotheby’s a retiré le tableau de la vente et propose au gouvernement polonais de l’acheter ou de l’échanger contre une œuvre de valeur équivalente, en possession de la Pologne. Les Polonais hésitent à faire appel à la justice ; l’Allemagne pourrait les soutenir, le tableau ayant été volé par Hans Frank, Gauleiter de Pologne.
Dans ce débat sur les restitutions, alors que la Russie reste intransigeante, l’Allemagne, la Hollande, la Hongrie, la République tchèque et la Pologne n’ont rien obtenu.
Lynn Nicholas, The Rape of Europa : The Fate of Europe’s Treasures in the Third Reich and the Second World War, A. Knopf, New York, 1994 ; 475 pp., 90 ill. N & B, 27,50 $, 160 FF.
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Le viol de l’Europe
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°7 du 1 octobre 1994, avec le titre suivant : Le viol de l’Europe