PARIS
PARIS [10.03.17] - Tandis que se multiplient les émissions culturelles, l'art ne parvient toujours pas à percer à la télévision. Plusieurs acteurs du petit écran tentent d'expliquer ce décalage.
« Ah ! Vous voulez dire, l'art visuel ! C'est la cinquième roue du carrosse, en effet. Je pensais que vous parliez de la Culture qui, elle, se porte bien », déclare Magali Faure, chef d'édition à France 24. La confusion est fréquente. Peu de gens de télévision associent spontanément l’art à la peinture, à la sculpture, au dessin. Du haut de leur(s) majuscule(s), les Beaux-Arts intimident. C'est pourquoi les chaînes, tributaires de l'audimat, renâclent en parler, et préférant au mieux, les associer à d’autres champs culturels.
Parmi les émissions culturelles, on citera Pop Up, sur C8, Drôle d'endroit pour une rencontre, sur France 3, Stupéfiant !, sur France 2, où peinture et sculpture ont du mal à s'imposer. « Je ne suis pas tout à fait d'accord », affirme Claire Chazal qui estime, dans son approche pluridisciplinaire, traiter l'art, au même titre que la danse, la musique, la littéraire, et le théâtre. Pourtant, quand Entrée Libre, la quotidienne qu'elle présente sur France 5, bat un record d'audience, c'est grâce à Julien Doré ou Fanny Ardant, et non Ben ou Maurizio Cattelan.
Certes il existe, sur le modèle d'Histoire, de Géo, des chaînes privées entièrement dévolues à l'art. Néanmoins qui a déjà entendu parler de Muséum Channel TV ou d’Ikono TV, dont l'audience se limitait à 100 000 fidèles, en 2007. Si Éric Naulleau regarde Toute l'histoire, c'est parce qu'il se considère « de la vieille école, soit converti au format documentaire. » L'intérêt des initiés n'est plus à prouver. Restent les masses à conquérir. « J'appelle ça le syndrome Arte », poursuit l'animateur. « Les gens réclament un contenu de fond, mais continuent de regarder TF1. »
Cette double réticence du public et des chaînes s'explique par la nature même de la peinture qui n'a paradoxalement rien de photogénique. « Montrer des tableaux ou des œuvres immobiles est contraire à l’essence de la télévision, avide de rythme, de mouvement », affirme Jonathan Curiel, directeur général de Paris Première. « Pour un film, il suffit de récupérer la bande-annonce. Pour les expos, on doit tourner des images, et les salles ne sont pas assez lumineuses », explique Magali Faure.
Autre écueil : il faut une grande culture en art, pour pouvoir en parler. C'est pourquoi les présentateurs se tournent, dès que possible, vers des spécialistes. « Consulter un artiste permet d'amener le spectateur vers une histoire. Et moi, ça me facilite la tâche », avoue Claire Chazal. Et quand un artiste peine à expliquer son travail, conservateurs et commissaires sont alors sollicités. « Tout le monde a reçu des cours d'histoire, mais pas forcément d'histoire de l'art, à l'école », précise l'ex-reine de l'Info.
Enfin, parler d'art se résume trop souvent à parler d’une exposition. Si Magali Faure se réjouit de la couverture que reçoit l'art contemporain sur France 24, « qui donne la priorité aux news », Eric Naulleau déplore cette approche. « Une fois une expo couverte, on pense avoir fait le job. » Se raccrocher à la branche du « branchouille », ou du « bling bling » de certains événements relève, selon lui, de l'infantilisation.
Les tentatives pour parler d'art en tant que tel à l'écran se soldent le plus souvent par des échecs. La palme du scénario catastrophe revient à À vos pinceaux (1,6 million de téléspectateurs), déprogrammé après seulement deux numéros. Regardés par 626 puis 307 000 curieux, les deux premiers épisodes de Trésors volés, la série proposée par Olivier Widmaer-Picasso en décembre, ont eux aussi déçu. La semaine précédente, à la même heure, le documentaire « Le mystère Poutine » fédérait 971 000 téléspectateurs. La politique détrône l'art. Depuis l'échec de la Grande Expo sur Paris Première, Jonathan Curiel, le directeur général de la chaîne, pensait ne plus se concentrer que sur les élections présidentielles. L'émission revient malgré tout, le 30 janvier, pour célébrer les 40 ans du Centre Georges Pompidou.
Dans ce climat peu favorable, un programme fait exception. Le succès de D'art d'art – cité comme modèle par tous - tient à sa brièveté. Cependant, Frédéric Taddéï reconnaît que la peinture mériterait plus de deux minutes d'attention. « Peut-être la télévision n'est-elle tout simplement pas le meilleur média pour parler d'art. »
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L'art, l'enfant pauvre de la télévision
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