Si la nouvelle émission culturelle de Léa Salamé est perfectible, celle de Stéphane Bern déjà ancienne est, elle, bien rodée. À voir : deux documentaires sur Magritte et Doisneau.
« La culture est une drogue dure ». Un sujet difficile à traiter, surtout quand on veut durer à la télé. Mercredi 28 septembre, Léa Salamé faisait ses premiers pas dans « Stupéfiant ! » le nouveau magazine culturel hebdomadaire de France 2. Elle était belle dans son tailleur noir et ses talons rouges, mais – il y a un « mais » – l’ancienne chroniqueuse de Ruquier ne maîtrise pas encore totalement son sujet. Le premier numéro appelle la clémence. Quelques remarques avant de remettre les compteurs à zéro. La crispation se sent dès l’introduction. Le plateau est plongé dans le noir complet, afin d’introduire le reportage consacré au Vantablack, la non-couleur que vient d’acquérir Anish Kapoor. Fiat lux. « Nous revoilà ». Le trait d’humour tombe à plat, comme le ton de la présentatrice qui peine à s’approprier son texte. Pour ponctuer le sommaire, une accroche hasardeuse. Donald Trump n’est pas tant « un artiste qui s’ignore » qu’une source d’inspiration artistique. Tel était le véritable objet de la dernière enquête de l’émission. Entre les deux, une interview de Maja Hoffmann. Et l’invité de répondre à côté. Manque de poigne surprenant de la part de Salamé, qui n’a en général pas sa langue dans sa poche.
Quelques jours avant, à la radio, la journaliste expliquait le défi à relever. « Le pari, c’est de faire quelque chose d’intelligent, d’insolent, et non populaire. De l’image, de l’image, de l’image, avec une écriture électrique. » Justement, l’ensemble manque de peps. « C’est incroyable ! » « Formidable ! » « Flippant ! » On se serait passé de ses exclamations. Dans le portrait de Richard Avedon, des mots jaillissent à l’écran pour souligner les commentaires de la voix off. S’il s’agissait de prendre le public par la main, encore fallait-il lui donner les bons mots-clés. Marilyn est « paumée » et le photographe « génial ». Un « génial ! » ironique fait alors écho dans la tête des téléspectateurs. 644 000 au total. Pas une très bonne audience. Au-delà de ces maladresses, les sujets sur l’art ne manquaient pas d’intérêt. Une fois qu’elle aura pris ses marques, peut-être l’ex-acolyte de Yann Moix nous laissera-t-elle sans voix. Tous les mercredis, à 22h40.
Stéphane Bern, monsieur patrimoine
À côté, l’émission que Stéphane Bern consacre tous les jours au patrimoine paraît plus vivante. Pourquoi ? Tout d’abord, le sujet lui tient à cœur. D’où la phrase de lancement « “Visites privées”, votre incursion quotidienne dans notre cher patrimoine. » Quand il ne l’accentue pas lourdement, l’animateur n’hésite pas à répéter le mot « cher ». Son aisance trahit moins son expérience des plateaux télévisés (trente ans de carrière !) que sa passion pour l’art et l’histoire. Jambes croisées, le sourire aux lèvres, il agite ses fiches plus qu’il ne les lit. Jamais, il ne sonne faux. Ainsi on peut parler d’art en des termes simples, sans être bêtifiant. Bern est comme un poisson dans l’eau, glissant à l’occasion une plaisanterie. Dans son édition dédiée aux faussaires, par exemple, un jeu de mots s’imposait entre son nom et le verbe « berner ». « Eh oui, j’ai osé le faire ! ». Son émission est d’autant plus vivante qu’elle prend la forme d’une conversation avec un invité et trois chroniqueurs à la diction irréprochable. Et le roulement de ses chroniqueurs contribue au dynamisme du programme. Difficile de s’attacher à cette trentaine de jeunes intervenants qui alternent au jour le jour. Grâce à ces nouveaux visages, « Visites privées » donne un coup de jeune à un sujet a priori poussiéreux.
Documentaires sur Magritte et Doisneau
Si le documentaire proposé par « La Galerie France 5 » (le 16 octobre, à 9h25) Magritte. La Trahison des images est en lien avec l’exposition qui se tient actuellement à Beaubourg, il n’en restitue pas le propos. Le suicide de la mère de l’artiste, sa rupture avec le surréalisme, son rapport aux mots et aux images… Qui connaît la vie de René Magritte aura mieux fait d’aller directement à Pompidou. Sur Arte, en revanche, le biographique n’entrave pas l’émotion. Écrit et réalisé par la petite-fille du photographe, le portrait de Robert Doisneau Le révolté merveilleux se nourrit d’archives et de témoignages inédits. Plongée émouvante dans l’intimité du photographe, auquel le Muséum rendra bientôt hommage. À découvrir le dimanche 23 octobre, à 22h50.
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La rentrée culture de la télé
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°465 du 14 octobre 2016, avec le titre suivant : La rentrée culture de la télé