Jean Hélion (1904-1987) incarne les contradictions du XXe siècle, comme le baron Gros incarne les incertitudes du romantisme.
Gros, pionnier du romantisme en 1800, devint, à toute force, le plus démodé des néoclassiques, après 1815, quand triomphaient partout les idées qu’il avait lancées. Les génies à contre-courant, qui sont, avec le recul, l’image même de leur temps parce qu’ils ont aimé ce « plaisir aristocratique » du contre-emploi, ne sont pas si nombreux. Philippe Dagen s’attaque au cas Hélion, passionnante enquête : à la fin des années 1920, il s’impose comme figure dominante de l’abstraction, avec Mondrian, Van Doesburg, Arp ou Calder. Il peint et théorise. Après le troublant voyage d’URSS, il découvre les États-Unis, pendant la guerre, épouse la fille de Peggy Guggenheim. Or, dès 1938, il s’est engagé dans une voie figurative, peu regardée et étudiée, jusqu’à ce livre monumental. Renégat aux yeux de l’avant-garde, Hélion persiste dans un réalisme militant. Il avait tout pour régner en héros à la Libération : évadé, antinazi, auteur d’un livre à succès, introduit dans le milieu américain, il semble choisir la traversée du désert. En 1969, il peint Choses vues en mai, monumental triptyque historique (Paris, Musée national d’art moderne). C’est l’explosion des vingt dernières années. En 1979, il aligne encore trois immenses panneaux : Jugement dernier des choses. L’éditeur a magnifié ces triptyques, reproduits en dépliants, c’est une révélation. Auteur d’un roman intitulé, lui aussi, Le Jugement dernier, l’historien d’art Philippe Dagen explore les textes laissés par Hélion. Il y trouve la clef de ce goût pour l’aporie, qui n’est que la volonté, poursuivie chaque jour au fil d’une vie de roman, de « repartir au lieu de finir ». Les triptyques d’Hélion vibrent désormais autant que les batailles de Gros, tant mieux.
Philippe Dagen, Hélion, Hazan, 292 p., 79 euros.
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Hélion
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°564 du 1 décembre 2004, avec le titre suivant : Hélion