Erich Lessing

Sa Comédie humaine est complète : avec les insurgés de Budapest en 1956, avec De Gaulle en Algérie, aussi « présent » aux côtés des mineurs de Essen qu’aux premières du Musikverein de Vienne en 1953. Sa mère, concertiste de renom, est morte à Auschwitz. Il conserve un goût profond pour la musique et l’on reconnaît, dans les pages de ce livre, Furtwängler dirigeant, Karajan choisissant ses voitures de sport, Glenn Gould, Pablo Casals, ou Dimitri Mitropoulos bronzant sur son balcon, à Salzbourg.

Lessing continue de photographier, il s’est spécialisé dans les œuvres d’art et parcourt le monde, cette fois de musée en musée. Il vient de mener une exceptionnelle campagne dans les salles du Louvre, pour illustrer l’ouvrage d’un de nos collaborateurs, Adrien Goetz, Au Louvre, les arts face à face (à paraître, Hazan-Musée du Louvre, octobre 2003).

Toute sa vie, Lessing a joué avec la culture artistique de son public : devant le dîner d’une famille ouvrière à Dresde en 1959, comment ne pas penser aux Mangeurs de pommes de terre de Van Gogh ? Le pique-nique des Berlinois au Wannsee en 1958 n’est-il pas un clin d’œil comique au Déjeuner sur l’herbe de Manet ? La photo de deux vieilles dames assises : on croit voir Les Vieilles de Goya. Goya toujours, quand il photographie le duc de Pinohermoso s’entraînant dans son arène, en Espagne. Ses vues des courses à l’hippodrome de Freudenau en 1954 sentent son Degas. Hanté par ces images du passé, le photographe, à l’instinct, saisit l’instant présent.