Danse & Théâtre

Lacrima, texte et mise en scène de Caroline Guiela Nguyen

Cousu de fil blanc

Par Olivier Celik · L'ŒIL

Le 19 mars 2025 - 347 mots

La haute couture entre au Louvre (« Louvre Couture ») et fait briller le Grand Palais (« Dolce&Gabbana »). Le spectacle Lacrima tire le même fil. Mais ici, c’est un prétexte à sortir les mouchoirs.

Théâtre -  Voici le récit, car c’en est un : un atelier de haute couture parisien est choisi dans le plus grand secret pour réaliser la robe de mariage de la princesse héritière de la couronne britannique. Petites mains du faubourg Saint-Honoré, mais aussi d’Alençon (pour la dentelle) et Mumbai en Inde (pour la broderie) s’affairent en tous sens… L’autrice et metteuse en scène dessine une fresque des « invisibles », entremêle enjeux professionnels et drames personnels dans une mise en scène élégante dont la générosité tient beaucoup à la variété des profils et des origines des interprètes, par ailleurs bien dirigés. Seulement voilà, comme dans ses précédents spectacles, Saigon ou Fraternité, conte fantastique, ce n’est ni la dramaturgie (prévisible) ni la théâtralité qui l’emportent et suscitent l’adhésion d’un public par ailleurs très nombreux, mais le déversement de pathos. Lacrima est une invitation à pleurer. Et ça marche, bien sûr, car Caroline Guiela Nguyen, directrice du Théâtre national de Strasbourg, maîtrise parfaitement les ressorts de l’émotion et de l’empathie, à renfort d’effets marqués et d’habillages sonores dramatisants. On a parfois dit qu’elle fait du théâtre comme on fait une série Netflix. Ce à quoi elle répond, dans le programme de salle, qu’il « se dégage de ce genre de critique un immense mépris social ». Habile rhétorique qui tente de disqualifier par avance toute analyse déplaisante… L’idée n’est évidemment pas de remettre en cause ni l’intention ni la dimension populaire et humaniste de son travail, mais les moyens employés. Disons, pour l’inscrire dans une histoire de l’art dramatique, que son théâtre renvoie au mélodrame classique codifié de la fin du XVIIIe siècle pour plaire au public de la Révolution et du premier Empire : un genre larmoyant qui se caractérise par la complexité de l’action, la multiplicité des épisodes violents, la simplicité des caractères et le moralisme manichéen. Lacrima coche toutes les cases. Aujourd’hui, on attend quand même davantage du théâtre…

À voir
« Lacrima »,
texte et mise en scène de Caroline Guila Nguyen, Théâtre de Liège, Belgique (20 et 21 mars), Centro Dramático Nacional à Madrid, Espagne (28 au 30 mars), Festival TransAmériques à Montréal, Canada (22 au 25 mai) et Carrefour international de théâtre à Québec, Canada (du 30 mai au 1er juin).

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°784 du 1 avril 2025, avec le titre suivant : Cousu de fil blanc

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