École d'art - Livre

Les Suffragettes de l’art

Aux beaux-arts, demoiselles !

Par Anne-Cécile Sanchez · L'ŒIL

Le 26 février 2024 - 355 mots

Les Suffragettes de l’art. L’entrée des femmes à l’École des beaux-arts, ce gros ouvrage à couverture cartonnée part d’un double constat : non seulement les femmes n’ont pas toujours été admises à étudier ni enseigner à l’École des beaux-arts de Paris, mais les noms de celles qui ont lutté contre cette discrimination sont tombés dans l’oubli.

Longtemps, la gent féminine ne fut présente au sein des ateliers que dans le plus simple appareil, en tant que modèle. Absentes des bancs de l’École tout au long du XIXe siècle, les élèves féminines n’en franchirent les portes qu’à partir de 1901, après avoir été progressivement admises en tant qu’auditrices libres. Pour quelles raisons les femmes ont-elles ainsi été tenues à l’écart de cette respectable institution publique, héritière de l’Académie royale créée en 1648 ? Les tabous de la morale étayent alors, on s’en aperçoit à la lecture de cet ouvrage, un monopole masculin basé sur la compétition, qui ne souhaite pas s’ouvrir davantage à la concurrence. Au fil des pages, des figures de militantes, d’intellectuelles et d’artistes sont révélées par le récit de l’autrice, comme celle de la sculptrice Hélène Bertaux (qui fonde en 1881 l’Union des femmes peintres et sculpteurs), ou celle de Lucienne Heuvelmans, première artiste à décrocher le Prix de Rome en 1911. Dans un style narratif qui privilégie volontiers l’anecdote – au risque parfois d’un luxe de détails qui ne contribue pas à la clarté du propos –, c’est à l’histoire de l’égalité des droits, à celle aussi de l’économie du marché de l’art, avec ses salons, ses canons imposés et ses récompenses, que s’intéresse Anaïd Demir, sur fond d’évolution politique de la société française. Une histoire dont les derniers rebondissements appartiennent à la modernité – telle la nomination de la première cheffe d’atelier au début des années 1970 – voire à l’actualité la plus récente, comme la déferlante de la vague #metoo dans les amphis de la rue Bonaparte ou l’arrivée de la première directrice, Alexia Fabre, en 2021. Le livre se feuillette d’autant plus agréablement qu’il comporte une très riche iconographie, en grande partie issue des archives des Beaux-Arts de Paris.

« Les Suffragettes de l’art. L’entrée des femmes à l’École des beaux-arts », Anaïd Demid,
Beaux-Arts de Paris, 224 p., 39 €.
Les Suffragettes de l'art - ENSBA PARIS

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°773 du 1 mars 2024, avec le titre suivant : Aux beaux-arts, demoiselles !

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